Il y a 110 ans : Juin 1903, la création de la Ford Motor Company – le fordisme, un progrès du capitalisme et surtout de l'exploitation04/07/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/07/une2344.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a 110 ans : Juin 1903, la création de la Ford Motor Company – le fordisme, un progrès du capitalisme et surtout de l'exploitation

Le 13 juin 1903, Henry Ford (1863-1947) créait la Ford Motor Company. Petit-fils d'Irlandais ayant immigré aux États-Unis lors de la grande famine de 1846-1847, fils de fermiers, ce mécanicien de 40 ans avait travaillé comme réparateur de machines à vapeur chez Westinghouse, puis comme ingénieur à Détroit dans la compagnie électrique de Thomas Edison.

Mais ce qui l'intéressait était de construire des « voitures sans chevaux », des véhicules automobiles, à gaz d'abord puis à essence. Il se mit à son compte, s'associant à divers commanditaires, construisant entre autres des voitures de course. En 1903, il parvint à concevoir un modèle grand public qui le satisfasse, à en déposer les brevets, à réunir les fonds et à créer à Détroit la société pour le produire, société qui dès 1906 passa sous son entier contrôle et dont il devint président. Le groupe Ford était né, qui allait vite essaimer dans le monde entier et devenir un des trusts les plus riches au monde.

En 1908, avec le modèle Ford T qui fut produit à 15 millions d'exemplaires, Ford mit en place le système de production et de relations du travail qui allait porter son nom : le fordisme. Il alliait la division du travail et la parcellisation des tâches, systématisées par Frederick W. Taylor, à la standardisation des pièces et à la technique du convoyeur, qu'il avait vu fonctionner dans les abattoirs industriels de Chicago. C'était le début du travail à la chaîne, avec tout ce qu'il implique de gestes répétitifs et de rythme épuisant. La durée de production de la Ford T passa de six heures de travail à une heure et demie. La productivité augmentait, certes, mais les ouvriers fuyaient ce bagne. En 1913, le taux de renouvellement du personnel était de 400 %.

Pour endiguer cette fuite incessante des ouvriers, Ford mit au point le système de rémunération qui lui vaut parfois la réputation imméritée de patron « social ». Il proposa des salaires de cinq dollars par jour, le double de ce qui se pratiquait alors, et fidélisa ses ouvriers. Leur assiduité et leur discipline permirent d'augmenter la productivité. Leur pouvoir d'achat augmenta. Et bientôt Ford put se vanter de ce que ses ouvriers devenaient les acheteurs des automobiles qu'ils produisaient, ce qui, en théorie du moins, évitait tout risque de surproduction. En réalité, il était autant qu'un autre dépendant du marché. On le vit bien lors de la crise de 1929, où il licencia en masse les ouvriers dont il se disait si fier.

Non seulement Ford était un patron âpre au gain et hostile aux syndicats, mais en plus c'était un antisémite militant, qui dénonça dans ses livres et articles le « complot international des Juifs » et que Hitler cita dans Mein Kampf.

Ce patron de combat mit au point un flicage permanent, dans ses usines et à l'extérieur. Ses mouchards vérifiaient que les salariés ne dépensaient pas leur argent à boire ou à jouer. Contre les marches de chômeurs, il fit donner les lances à incendie et même, en 1932, les mitraillettes, faisant quatre morts et vingt blessés. En 1937 Walter Reuther, le futur président du syndicat de l'automobile, l'UAW, fut tabassé par ses nervis pour avoir voulu distribuer un tract à la porte de l'usine de Red River : il avait l'autorisation de la mairie, mais pas celle d'Henry Ford, le véritable maître de la ville.

Car Ford tint bon même face à la grande vague de luttes et d'occupations d'usines de 1936-1937. Il ne plia qu'en 1941, à la veille de Pearl Harbor et de l'entrée en guerre des États-Unis, au terme d'une grève de dix jours qui l'obligea à accepter des élections syndicales. Mais alors le plein emploi était de retour, grâce à la guerre en Europe, et les salaires n'étaient pas plus élevés à Ford qu'ailleurs. Ford fit un virage complet, n'embaucha que des travailleurs syndiqués, et grâce à cela put rafler d'énormes commandes de l'État. Car la seule politique « sociale » que Ford comprenait était celle qui alimentait ses profits.

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