Bangladesh - Effondrement d'un immeuble d'usines textiles : Capitalisme assassin02/05/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/05/une2335.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bangladesh - Effondrement d'un immeuble d'usines textiles : Capitalisme assassin

Mercredi 24 avril, dans la banlieue de Dacca au Bangladesh, un immeuble abritant cinq ateliers de textile, le Rana Plaza, s'est littéralement effondré sur les quelque 3 000 ouvriers qui y travaillaient. À ce jour, les secours ont retrouvé plus de 381 morts et environ 1 500 blessés. Des disparus sont certainement encore ensevelis sous les décombres. Les victimes sont majoritairement des femmes puisque le textile bangladais, qui emploie 3,6 millions de personnes, utilise essentiellement une main-d'oeuvre féminine payée trente euros par mois pour dix heures de travail quotidien sept jours sur sept.

Le lendemain de l'effondrement du Rana Plaza, des centaines de milliers de travailleurs du textile des zones industrielles de la banlieue de Dacca se sont mis en grève et ont laissé éclater leur colère, bloquant les rues et obligeant leurs patrons à décréter un jour férié. Ils s'en sont pris aux usines que les patrons refusaient de fermer et ont occupé les sièges des principales associations d'entrepreneurs, dont celui de la puissante BGMEA (construit lui aussi illégalement !), suscitant une telle crainte que celle-ci a aussitôt décidé que toutes les usines de confection resteraient fermées durant le week-end, et les travailleurs payés.

Cette même crainte a été ressentie par les autorités du pays qui, fait inhabituel, ont fait diligence pour arrêter le propriétaire du bâtiment et les patrons qui n'avaient pas voulu faire évacuer leurs ateliers.

L'immeuble Rana Plaza appartient à Sohal Rana, un membre local de l'Awami League, le parti au pouvoir. Avant de monter dans l'appareil du parti, il s'était illustré comme un activiste, responsable du mouvement de jeunesse, dont la spécialité était entre autres d'organiser des services d'ordre musclés qui s'en prenaient aux travailleurs pour les empêcher de faire grève ou de manifester. Comme nombre de politiciens de son acabit, il est aussi connu pour avoir des liens avec la pègre locale et les trafiquants de drogue.

Le Rana Plaza a été construit en 2008 avec des matériaux bon marché, sur un terrain à 60 % marécageux et de ce fait instable. Le propriétaire n'avait reçu l'autorisation que pour cinq étages mais, à coups de pots-de-vin et grâce à ses relations politiques, il avait deux ans plus tard surélevé l'immeuble de trois étages, en toute illégalité et sans renforcement des murs porteurs. Il envisageait même de rajouter un étage supplémentaire. Plus de trois mille personnes travaillaient dans ce bâtiment comprenant cinq ateliers de confection et une banque.

Le mardi 23 avril, des fissures inquiétantes étaient apparues sur les murs et les piliers de l'immeuble. Alors que la banque décidait de ne pas faire venir ses employés le lendemain, Sohal Rana décréta qu'il n'y avait aucun problème. Il fut suivi par les propriétaires des cinq usines, qui menacèrent de licencier ceux qui ne viendraient pas travailler. Les travailleurs, en majorité des femmes pour qui ce travail est indispensable, cédèrent malgré leurs craintes. Une heure après la prise d'équipe, l'immeuble s'effondrait.

En novembre dernier, l'incendie d'un atelier de confection à Tazreen, faisant suite à bien d'autres, avait tué 112 travailleurs. Dans ce pays pauvre, seul compte l'enrichissement d'une poignée de profiteurs, et la mort de travailleurs est considérée comme un dommage collatéral tant qu'elle ne les atteint pas financièrement.

Mais ces assassins ne sont en définitive que des sous-fifres. Les donneurs d'ordres se trouvent dans les pays riches, ils ont pour nom Benetton, Casino, H&M, Primark, Wall-Mart, Mango, Tex, etc., des enseignes qui ont pignon sur rue et savent pertinemment que, si elles achètent les vêtements bon marché pour les revendre parfois à prix d'or, c'est grâce à la surexploitation des travailleurs bangladais. Oh, certaines ont bien signé un « code éthique » stipulant qu'elles ne travailleraient qu'avec des entreprises qui respecteraient la sécurité, et ont annoncé qu'elles effectueraient elles-mêmes des visites de contrôle. Mais, le plus souvent, ces pseudo-contrôles ne sont effectués (quand ils le sont) que pour le communiqué. Dans la réalité, tous les intervenants ferment les yeux sur les dangers qu'encourent les travailleurs bangladais. C'est à ce prix, avec le sang des ouvriers, que ces marques réalisent des superprofits.

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