Grande-Bretagne : Cameron dans la défroque de Thatcher17/04/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/04/une2333.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Cameron dans la défroque de Thatcher

Faute d'avoir la popularité qu'avait Thatcher en son temps parmi l'électorat de droite, Cameron est fidèle à son héritage. Au moment où se préparent les funérailles quasi nationales de la défunte, une rafale de mesures d'austérité sont entrées en vigueur au début avril.

Cameron vise à réduire de 10 % (25 milliards d'euros) le budget annuel de la protection sociale d'ici aux élections de 2015. Et ceci avant tout aux dépens des 30 % de foyers les plus pauvres (9,6 millions), ceux qui touchent plus de la moitié de leur revenu en allocations sociales.

Lorsqu'il fut mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le système de protection sociale - le welfare state - visait à permettre au patronat de maintenir ses coûts salariaux au plus bas. Et c'est toujours cette fonction qu'il remplit, soixante-huit ans après, malgré une érosion déjà importante sous les précédents gouvernements.

La grande majorité de ceux qui seront affectés par ces nouvelles mesures, qui touchent pratiquement toute la protection sociale, sont des retraités, des handicapés, mais aussi beaucoup de travailleurs précaires. Tout d'abord, pour les trois ans à venir, la hausse annuelle des allocations qui ne sont pas déjà gelées sera plafonnée à 1 % pour les trois ans - soit une baisse de 5 % de leur valeur réelle. Les foyers les plus pauvres, jusqu'ici dispensés des impôts locaux, devront désormais en payer 15 %. Par ailleurs, on estime que la réforme annoncée de l'allocation d'invalidité verra la radiation de 500 000 allocataires en deux ans.

Mais c'est ce que l'on a surnommé « l'impôt sur la chambre d'ami » qui a suscité le plus d'indignation. Tirant prétexte de la crise du logement, qui n'est pourtant due qu'à l'arrêt de longue date de toute construction sociale, le gouvernement Cameron a eu le cynisme de décréter une baisse de l'allocation logement des foyers occupant des appartements sociaux déclarés trop grands pour leurs besoins. La baisse sera de 14 % pour une pièce de trop et de 25 % pour deux. Or, dans un pays où les loyers, même prétendument sociaux, sont exorbitants, cette allocation, qui couvrait l'intégralité de leur loyer, était une bouée de secours vitale pour les plus pauvres. Cette réduction signifie pour beaucoup le choix entre risquer l'expulsion pour retard de loyer, ou trouver un logement social plus petit, chose virtuellement impossible aujourd'hui. Cette mesure a d'autant plus choqué que, sur les 660 000 foyers concernés, les deux tiers comptent des handicapés.

Ces attaques sont d'autant plus provocantes qu'elles viennent dans la foulée d'un budget dans lequel Cameron vient d'annoncer des réductions d'impôt de plus de 8 milliards d'euros pour les entreprises et la haute finance, et d'un milliard et demi pour les plus hauts revenus. En même temps, il a offert des dizaines de milliards de garantie aux banques pour relancer le marché privé de la construction, ce qui ne pourra qu'exacerber la crise du logement, en poussant les loyers encore plus haut, et peut-être même provoquer le développement d'une nouvelle bulle immobilière.

Or il faut bien que quelqu'un paie pour les largesses de l'État au profit de la bourgeoisie. Pour le gouvernement Cameron, ce seront donc les catégories les plus pauvres de la population, et il ne recule pas devant les moyens, même les plus odieux. Ainsi Cameron a-t-il emboîté le pas au Daily Mail, quotidien de la droite conservatrice, qui, suite à la condamnation à la prison à vie d'un chômeur psychopathe, a lancé une campagne accusant le système de protection sociale d'engendrer la criminalité.

Les nouvelles mesures du gouvernement Cameron ont été accueillies, comme elles le méritaient, par des manifestations spontanées de protestation aux quatre coins du pays - et sans que les appareils syndicaux ou politiques aient levé le petit doigt pour cela. Sans doute ne s'agit-il pas encore d'une véritable explosion de colère mais, plus la bourgeoisie tire sur la corde, et plus celle-ci risque de se casser.

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