CHU de Dijon : Un hôpital au bord de la faillite, un personnel surexploité03/04/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/04/une2331.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

CHU de Dijon : Un hôpital au bord de la faillite, un personnel surexploité

Depuis plusieurs mois, le CHU de Dijon est au bord de la faillite. Pour financer des travaux colossaux destinés à la construction d'un immense hôpital et d'un plateau technique à la pointe du progrès, il a emprunté. Résultat : un déficit cumulé de 41 millions d'euros sur une dette de 380 millions d'euros.

L'ARS (Agence régionale de santé) et l'État le contraignent désormais à régler ses dettes sous peine de mise sous tutelle et lui imposent un véritable plan d'austérité, pudiquement appelé plan de retour à l'équilibre.

Et ça ne pouvait pas plus mal tomber. En effet la plupart des services viennent de déménager dans le nouvel hôpital, des déménagements sont encore en cours, l'activité a donc chuté dans la plupart des services, ne générant pas les recettes escomptées.

Il faut dire que, comme tous les hôpitaux, le CHU de Dijon est soumis à la politique de rentabilisation du travail hospitalier, qui consiste à essayer de faire payer les soins aux clients rentables au moyen de la T2A (tarification à l'acte), qui pourrit depuis des années la vie du personnel.

Les conséquences de ce plan de retour à l'équilibre ne se sont pas fait attendre : puisqu'on ne peut pas augmenter les recettes, il faut diminuer les coûts. En matériel, la pharmacie fonctionne en « plein-vide » : pas de stocks. Et c'est la course pour obtenir des médicaments car, au-delà d'une certaine heure, il n'y a plus personne. On ne peut plus non plus avoir de Xylocaïne sans Adrénaline : trop cher !

Pour tout ce qui est matériel, la logique est surréaliste. Il y a pénurie des produits les plus élémentaires, comme le papier hygiénique ou les compresses, les aiguilles, les cathéters, et il faut que tout le monde, dans tous les coins, fasse des stocks ou du troc avec le service d'à côté.

Des prélèvements sanguins n'ont pu être traités faute de personnel pour les acheminer. La radiologie, toute neuve, ne fonctionne pas depuis des mois, faute de manipulateurs radio.

Mais cette pratique se conjugue avec l'utilisation des matériels les plus sophistiqués et particulièrement onéreux, tels les robots qui livrent les commandes de pharmacie, de linge et de repas.

Au personnel, qui subit cette pression depuis des années, on essaie d'inculquer l'idée que les soins doivent être rentables, tout en exigeant de lui des sacrifices personnels, puisqu'il soigne des êtres humains. Il est, une fois de plus, la cible de toutes ces économies, comme s'il n'y avait pas de limite à sa surexploitation.

On vient même d'assister à du jamais-vu. Les chronos sont passés, et en Réanimation il n'est pas rare de voir une infirmière officier avec quelqu'un en train de la chronométrer. Ils n'ont pas encore osé le faire face à des malades conscients !

Vieille tarte à la crème aussi : les hôpitaux veulent avoir du personnel qui travaille indifféremment de jour comme de nuit. Cette déréglementation est à l'ordre du jour depuis des années mais, cette fois-ci, tout personnel nouvellement embauché est obligé de faire 50 % de jour et 50 % de nuit.

Dorénavant, les personnes qui sont en maladie, enceintes ou en congés annuels ne sont plus remplacées, à charge pour les autres de compenser leur absence, ce qui met certains services au bord de la rupture. Le travail en douze heures est en train de s'imposer partout et, comme il faut tous les jours remplacer les absences au pied levé, il n'est pas rare de faire jusqu'à quatre ou cinq journées de douze heures dans la même semaine.

Même si le personnel encaisse beaucoup et prend sur lui, on frôle souvent la catastrophe. Ainsi, il y a quelques mois, un enfant arrivé aux Urgences pédiatriques n'a pu être opéré faute de chirurgien de garde et a dû être transféré à Besançon, à 100 km de Dijon, pour être soigné. En Endocrinologie, une infirmière de nuit a été agressée par un patient qu'elle tentait d'empêcher de sauter par la fenêtre. Cette nuit-là, elles n'étaient que deux infirmières pour quarante malades. En Psychiatrie, le personnel a déclenché un droit d'alerte pour avoir des vigiles, les Urgences ayant déménagé dans le nouvel hôpital avec les vigiles !

Partout dans les services, le personnel appelle au secours, certains même descendent dans la rue pour faire signer des pétitions aux usagers, car rien ne va plus. Le CHU de Dijon frise la catastrophe, à vouloir rembourser une dette qui augmente chaque année et qui lui a été imposée au fil du temps.

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