Eurocopter - Marignane : Une grande entreprise qui ne connaît pas la crise... au contraire de ses travailleurs20/02/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2325.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Eurocopter - Marignane : Une grande entreprise qui ne connaît pas la crise... au contraire de ses travailleurs

Si des entreprises licencient en avançant des bilans en berne, ce n'est pas le cas d'Eurocopter. Cela ne l'empêche pas de faire travailler plus vite et plus dur les quelque 12 000 salariés, dont 1 100 intérimaires et 2 000 sous-traitants, de son usine de Marignane.

Première entreprise mondiale de fabrication d'hélicoptères, son chiffre d'affaires a doublé en dix ans, passant à 6,3 milliards d'euros en 2012, contre 5,4 milliards en 2011.

Eurocopter recrute depuis des années, mais la charge de travail augmente plus vite que les effectifs. Tous les travailleurs le ressentent par l'accélération des cadences, l'augmentation des heures supplémentaires, toutes sortes de pressions. C'est sur leur dos que s'effectue la croissance annuelle de 10 % du chiffre d'affaires.

Faire travailler plus les ouvriers, pour plus de profits des actionnaires

Aux Ensembles mécaniques, l'équipe qui travaille sur l'hélicoptère léger, l'Écureuil, qui assemble la mécanique des appareils par exemple, est sollicitée pour travailler tous les jours de RTT et même le samedi matin. Cela permet de livrer les appareils dans toutes les conditions, même s'ils sont incomplets et qu'on va finir le travail sur la piste elle-même...

Aux Machines-outils, la plupart des jours fériés sont travaillés en heures supplémentaires. Par ailleurs, depuis plusieurs années il existe des équipes en 7x7 pour faire tourner tours, machines à pointer ou rectifieuses 365 jours par an ou presque. La direction veut amortir rapidement ces machines dont certaines valent autour du million d'euros et donc les faire tourner coûte que coûte.

Au hangar M qui fabrique la structure du Super-Puma, aux horaires en 3x8 se sont ajoutées des heures supplémentaires le samedi matin. Les cadences sont importantes, les pressions multiples, car il y a une forte demande pour cet appareil qui sert aux plates-formes pétrolières et aux transports de troupes. Le responsable de production a fait savoir qu'un intérimaire qui s'aviserait de refuser une heure supplémentaire ne serait pas reconduit.

Bien entendu, les travailleurs ne se sentent pas de refuser les horaires en 3x8 payés avec 40 % de majoration et des indemnités kilométriques. Ainsi un ouvrier qui touche environ 1 500 euros net par mois touchera 1 900 euros net s'il travaille en 2x8 et jusqu'à 2 700 euros net en 3x8 ou 7x7. Mais au bout de quelques mois, voire de quelques semaines, la fatigue se fait sentir. Même les plus jeunes ont du mal à récupérer ; fatigue chronique, troubles du sommeil, irritabilité, usure nerveuse en sont la conséquence.

Au hangar M, en tôlerie, plusieurs ouvriers ont demandé à arrêter les 3x8 pour éviter les nuits. La hiérarchie de ce secteur a cessé de demander des heures supplémentaires pour l'équipe de nuit, parce que les ouvriers protestaient ou posaient en congés leur poste de nuit.

C'est dans ce secteur que, il y a un an, un travailleur intérimaire de 62 ans a fait une chute mortelle, à trois heures du matin, du nez d'un appareil. Il y a quelques semaines, les praticables, échafaudages qui permettent de travailler devant l'appareil, les « docks de nez », qui faisaient défaut au moment de l'accident, ont fait leur apparition. Le M reste un hangar encombré de machines où les ouvriers travaillent entassés dans les appareils pour gagner du temps.

En fait, sur la plupart des chaînes, c'est une véritable fourmilière humaine qui s'active sur chaque appareil, qui couché, qui debout, qui se contorsionnant dans l'appareil. Et si la technique est très moderne, l'outillage est souvent vieux, usé et inadapté.

Une politique d'intimidation

Pour faire passer les pressions, la direction a multiplié les procédures disciplinaires. Il y a seulement cinq ans, on comptait une dizaine de mises à pied par an. En 2012, elle a prononcé plus de quarante mises à pied.

Pour lui faire des reproches sur son rendement, un ouvrier est convoqué au bureau du chef d'îlot, en présence du chef d'atelier. On lui demande de se justifier, le tout assorti de mesures de rétorsion. Un machiniste peut être déplacé ou passé à un régime horaire lui faisant perdre plusieurs centaines d'euros par mois ; sans compter des remarques comme : « Tu n'as pas assez travaillé, on s'en souviendra au moment des rallonges. »

La direction utilise le système des augmentations individuelles, annoncées deux fois par an en présence de toute l'équipe, pour monter les ouvriers les uns contre les autres. Si l'un pense que l'augmentation d'un tel n'est pas « méritée », les bureaux de la hiérarchie lui sont ouverts pour « vider son sac ».

En septembre 2009 tous les syndicats, sauf la CGT, ont signé des accords Safe, très défavorables aux travailleurs : perte de huit vendredis de RTT, obligation de pointer en bleu, baisse des majorations et indemnités kilométriques pour les équipes, strict encadrement de la pause.

Toute cette politique de la direction se heurte cependant à une résistance qui, pour être discrète, n'en est pas moins réelle, ce que démontrent entre autres les efforts renouvelés des chefs cherchant des volontaires pour venir travailler le samedi.

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