Prison des Baumettes -- Marseille : Les coulisses inhumaines de la société12/12/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/12/une2315.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prison des Baumettes -- Marseille : Les coulisses inhumaines de la société

Les observations du contrôleur général des prisons, faites après une visite à la prison des Baumettes de Marseille, dépassent tout ce qu'on peut imaginer de l'extérieur.

Il décrit ainsi une cellule type : « Pas de lumière, chasse d'eau inexistante, réfrigérateur très sale et infesté de cafards, murs dégradés, sol sale, araignées et cloportes, ni cabine de douche ni eau chaude. » L'entretien est tellement négligé, par manque de personnel, qu'un détenu s'est résigné à boire l'eau de ses toilettes, faute de robinet en état de marche. Sur quatre-vingt-dix-huit cellules, neuf seulement « n'appellent aucune observation sérieuse ».

Les lieux collectifs sont du même style : trois ou cinq douches sur dix fonctionnent, les rats pullulent et « les surveillants font leur ronde de nuit en tapant des pieds pour les éloigner, avec un succès inégal ». L'insalubrité et le manque de sécurité sont tels qu'en avril 2011 la sous-commission départementale pour la sécurité incendie a demandé la fermeture des locaux. Ces lieux collectifs sont aussi ceux des règlements de comptes entre détenus : agressions, viols, tabassages de ceux qui ne peuvent payer leurs dettes, car cet établissement est « un marché de biens et services où tout s'achète et se vend au prix fort ». Un cadre précise même : « Ici, j'ai deux prestataires de téléphone, la société X (concessionnaire) et les caïds. »

Les activités sportives, la formation professionnelle, les quelques activités culturelles, sont réduites au minimum et « leur financement n'est pas pérennisé ». Quant aux activités rémunérées, elles sont très peu nombreuses, faute de crédits ou de commandes à l'extérieur. La préparation à la réinsertion est à des années-lumière de cette survie dans un climat de violence, où les détenus finissent par éviter toute participation aux espaces collectifs, même celui de la promenade.

« C'est fait pour nous rendre fous », dit un détenu. Mais c'est presque aussi vrai pour le personnel, gardiens ou ouvriers d'entretien, trop peu nombreux, qui n'ont que l'arrêt de travail ou une éventuelle mutation pour échapper à ces « oubliettes ». Un ancien détenu déclare d'ailleurs, plutôt gouailleur : « Moi, je les plains. Avec mon cocellulaire, on avait calculé combien de temps passera en détention un surveillant qui travaille pendant vingt ans. Ça fait pas loin de dix ans ! »

Depuis 1991, les contrôles aux Baumettes aboutissent aux mêmes conclusions, sans qu'aucune amélioration n'ait été apportée, selon le contrôleur lui-même. Il accuse très nettement la baisse des crédits et ajoute que l'établissement de Marseille, un des rares en gestion publique, « subit le contrecoup de ce que beaucoup d'autres sont en gestion privée, et qu'il faut bien payer les ­cocontractants privés, selon ce que prévoient les contrats ».

La garde des Sceaux Christiane Taubira, interpellée, a rappelé le plan de travaux engagés... jusqu'en 2017. L'Observatoire des prisons, lui, réclame la fermeture immédiate du bâtiment des hommes, le plus dégradé.

La prison des Baumettes n'est certainement qu'un cas parmi d'autres, et il en dit long sur les conditions indignes et dégradantes dans lesquelles une administration publique ose maintenir des personnes dont elle a la responsabilité et dont beaucoup ne sont d'ailleurs incarcérés qu'à titre préventif. L'état des prisons est un indice révélateur de la société qui l'entoure, et c'est une société qui fait honte.

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