Égypte : Morsi tente d'imposer une constitution réactionnaire12/12/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/12/une2315.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte : Morsi tente d'imposer une constitution réactionnaire

Après les affrontements entre opposants et supporters de sa politique soutenus par la police anti-émeutes, qui ont causé la mort de plusieurs manifestants, le président égyptien Morsi continue à tenter d'imposer à la population, à marche forcée, une constitution dictée par les partis islamistes, expression politique des Frères musulmans et de leurs alliés.

Le décret pris le 22 novembre, grâce auquel il s'arrogeait les pleins pouvoirs, y compris judiciaires, avait provoqué la colère de nombre de ceux qui espéraient en avoir fini avec la dictature. Dans plusieurs gouvernorats, les juges s'étaient mis en grève. Des rassemblements d'opposants à Morsi, parfois très nombreux, se sont succédé jusqu'à ce que le président annonce la suspension du décret. Mais s'il a reculé en allégeant ses cas d'application jusqu'à le rendre inopérant, il n'a pas renoncé, bien au contraire, à organiser le 15 décembre un référendum sur le projet de constitution, rejeté par les manifestants.

En effet ce projet est explicitement basé sur « les principes de la charia », la loi islamique. Concocté et adopté le 30 novembre par une assemblée constituante très majoritairement composée de membres des partis Liberté et Justice (l'étiquette politique des Frères musulmans) et al-Nour, le Parti de la Lumière (un des partis salafistes), ce projet est censé remplacer la précédente constitution de 1971, adoptée sous Sadate. Plusieurs aspects représentent un grave recul pour la population, en premier lieu concernant le statut des femmes. À la notion « d'égalité hommes-femmes », qui serait contraire à la charia, se substitue une vague formule « d'égalité entre tous les Egyptiens, au sein de laquelle la femme doit trouver un équilibre entre ses devoirs familiaux et professionnels ». On y invoque « la vraie nature de la famille égyptienne, [...] sa morale et ses valeurs », que protégerait l'État. Un article y garantit « la liberté d'opinion et d'expression », tandis que le suivant interdit « d'insulter les prophètes des religions monothéistes », religions qui définiraient obligatoirement le statut personnel de tout Egyptien.

Parallèlement Morsi annonçait, le 9 décembre, le report d'une partie des mesures d'austérité prises en réponse aux exigences du pré-accord conclu avec le FMI, avant délivrance d'un prêt de 4,8 milliards de dollars. Les mesures portent sur une réduction des subventions étatiques sur le butane et l'électricité, ainsi qu'une hausse des taxes sur l'acier et le ciment, mais aussi sur les sodas, la bière, les cigarettes, la téléphonie mobile... La colère des manifestants comporte donc bien des motifs, dont la déception de pas avoir vu leur vie s'améliorer, près de deux ans après la chute de Moubarak, n'est sûrement pas le moindre.

En tout cas, un décret à peine suspendu, le président n'a pas tardé à en prendre un autre confiant explicitement à l'armée, appelée en renfort de la police, le maintien de « l'ordre » jusqu'à l'annonce des résultats du référendum constitutionnel. Quelles que soient les tensions entre les chefs de l'armée et Morsi, celui-ci sait qu'il peut s'appuyer sur elle.

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