À propos d'un téléfilm : Toussaint Louverture, un précurseur de l'anticolonialisme16/02/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/02/une2272.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

À propos d'un téléfilm : Toussaint Louverture, un précurseur de l'anticolonialisme

Un téléfilm en deux épisodes diffusés sur France 2 les 14 et 15 février a évoqué la personnalité du leader haïtien Toussaint Louverture, qui conduisit la première révolte d'esclaves noirs victorieuse d'où devait naître, en 1804, la première république noire indépendante.

L'île d'Hispaniola, partagée aujourd'hui entre Saint-Domingue et Haïti, resta espagnole de 1492 à 1697, quand sa partie occidentale passa sous domination française. En 1791, il s'y récoltait les trois quarts du sucre du monde, et aussi du café, du coton et de l'indigo. Cette prospérité de la « perle des Antilles » était le fruit du travail d'un demi-million d'esclaves. Les Noirs nés sur place et ayant acquis des positions dans la hiérarchie des esclaves pouvaient être affranchis, mais pas la grande majorité de ceux nés en Afrique, rivés au dur travail des plantations.

La Révolution française de 1789 et ses idées de liberté atteignirent la colonie. Les 5 000 planteurs blancs voulaient commercer librement en se débarrassant du monopole français, tandis que 28 000 Mulâtres et Noirs affranchis exigeaient l'égalité avec les Blancs. Mais, en août 1791, 100 000 esclaves des plantations du Nord se soulevèrent.

L'Assemblée nationale française envoya alors un représentant pour affirmer son autorité sur l'île. De peur que celle-ci ne passe sous domination anglaise, le représentant de la Convention finit par proclamer la liberté des esclaves. Le 4 février 1794, la Convention ratifia cette décision et abolit l'esclavage.

L'esclave affranchi Toussaint Louverture constitua alors une armée de quelques centaines d'esclaves et se mit au service du régime révolutionnaire de France. Cette armée fut une armée noire du simple soldat jusqu'au général, et en 1797 se rendit maîtresse de l'île. Les anciens maîtres blancs perdirent esclaves et plantations. Les Mulâtres propriétaires qui libérèrent leurs esclaves conservèrent leurs plantations et devinrent, avec les officiers supérieurs de Toussaint, une composante de la nouvelle classe dirigeante.

Après la chute de Robespierre en 1794, Toussaint Louverture établit une dictature militaire. Les anciens esclaves refusèrent cependant qu'il les renvoie aux plantations et se révoltèrent, affrontant une répression qui fit un millier de victimes. Les masses se détournèrent ainsi de Toussaint au moment même où Bonaparte décidait de récupérer la « perle des Antilles », en faisant débarquer ses troupes. Toussaint fut déporté et emprisonné en France où il mourut en 1803.

En voulant rétablir l'esclavage, Bonaparte déclencha une nouvelle insurrection. Le général Leclerc, chef de l'expédition française, écrivit à Bonaparte : « Ce n'est pas tout d'avoir enlevé Toussaint, il y a ici 2 000 chefs à faire enlever. » Dessalines, Christophe et les autres généraux noirs participèrent à la répression, mais le soulèvement des esclaves était si puissant qu'ils durent finalement se porter à sa tête avant de pouvoir éliminer les principaux chefs des insurgés.

Alors que les armées de Napoléon remportaient des victoires en Europe, ses soldats échouèrent devant 400 000 esclaves en lutte pour leur liberté, et l'esclavage ne put être rétabli. Au terme de cette première guerre coloniale perdue par la France, Dessalines proclama en 1804 le premier État noir indépendant sous le nom d'Haïti. En 1825, le roi de France Charles X reconnut l'indépendance du pays, en contrepartie d'une réduction de 50 % des droits de douane en faveur de la France et d'une indemnité représentant dix ans de revenus des exportations d'Haïti.

Pour payer, le dictateur d'Haïti Boyer plaça le pays entre les griffes des banquiers français, enfonçant le pays dans un endettement sans fin : en 1913 encore, les intérêts de cette dette absorbaient 80 % de ses revenus. À partir de 1914, le pays tomba sous la coupe des États-Unis, qui relayèrent la France dans cette entreprise de pillage.

Si aujourd'hui Haïti est l'un des pays les plus pauvres de la planète, c'est qu'on a fait payer pendant deux siècles à son peuple le fait d'avoir été le premier à oser secouer le joug du colonialisme : un choix impardonnable aux yeux des grandes puissances impérialistes, et dont Toussaint Louverture fut un des initiateurs.

Partager