Il y a 50 ans, 17 octobre 1961 : Les travailleurs algériens massacrés par la police française12/10/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/10/une2254.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Il y a 50 ans, 17 octobre 1961 : Les travailleurs algériens massacrés par la police française

Il y a cinquante ans, le 17 octobre 1961, en plein Paris, alors que la guerre continuait en Algérie, des centaines de travailleurs algériens étaient littéralement massacrés par des policiers sur ordre du préfet de police Maurice Papon, à qui le gouvernement avait donné carte blanche pour agir contre la manifestation algérienne prévue ce jour-là.

Douze jours plus tôt, le préfet de police avait interdit aux Algériens de circuler dans les rues de Paris et de la région parisienne entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin et exigé que les débits de boisson qu'ils tenaient et fréquentaient ferment à 19 heures. Il leur avait aussi ordonné de ne plus circuler en groupe, même petit, mais uniquement isolément. C'est en riposte à ce couvre-feu que le FLN avait décidé une grande manifestation pacifique, le 17 octobre à Paris.

La sauvagerie de la police

Le jour dit, des dizaines de milliers de travailleurs algériens convergèrent vers la capitale. Aux portes de Paris, à l'arrivée des bus de banlieue, à la sortie des bouches de métro, les policiers étaient là pour les accueillir. Les Algériens furent sauvagement frappés, à coups de crosse de fusil et de matraque sur la tête, les dents, les yeux, le bas-ventre. Là où les manifestants se rassemblaient pour défiler, sans une arme, pas même un bâton, les policiers attendaient pour frapper sauvagement, les pourchasser, voire ouvrir le feu sur les cortèges qui se formaient.

En une nuit, plus de dix mille Algériens furent arrêtés puis entassés dans des cars de police et, ceux-ci ne suffisant pas, dans des bus de la RATP réquisitionnés, comme dix-neuf ans plus tôt pour la rafle du Vel d'Hiv de sinistre mémoire. Au palais des Sports, au Parc des Expositions, au stade Coubertin, à Vincennes, les travailleurs algériens furent internés pendant plusieurs jours dans des conditions sanitaires effroyables et toujours en butte aux violences policières. Certains furent exécutés, étranglés, pendus dans les bois parisiens, d'autres ne survécurent pas à leurs blessures et, les jours suivants, on allait retrouver des dizaines de cadavres dans la Seine, dont certains pieds et poings liés. Le lendemain, le gouvernement annonçait un bilan officiel de... deux morts du côté des manifestants et deux blessés par balle parmi les policiers ! Si on ne sait pas précisément combien de travailleurs algériens furent ainsi sauvagement assassinés, ils furent vraisemblablement plus de deux cents.

En cet automne 1961, la guerre d'indépendance durait depuis sept ans, depuis que, le 1er novembre 1954, les nationalistes algériens avaient déclenché la lutte armée contre le colonialisme français.

La guerre avait déjà fait des centaines de milliers de victimes du côté algérien. Côté français, trois millions de militaires allaient passer en Algérie, dont 30 000 y laissèrent leur peau. Mais, en octobre 1961, les deux camps savaient que l'indépendance de l'Algérie n'était plus qu'une question de mois. Des négociations officielles étaient ouvertes entre le gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA).

Massacre en silence

La guerre coloniale et ses atrocités n'en continuaient pas moins. Le gouvernement français voulait être en position de force, pour sauvegarder les intérêts de ses capitalistes dans la future Algérie indépendante. Le FLN, de son côté, devait démontrer sa capacité à mobiliser les Algériens, y compris en France, et c'était un des buts de la manifestation du 17 octobre. La guerre fit donc irruption à Paris, avec la répression barbare de la police de Papon.

150 000 travailleurs algériens vivaient alors à Paris et en banlieue, majoritairement des hommes dont la famille était en Algérie. Ils vivaient dans des bidonvilles, comme à Nanterre, ou dans des hôtels minables, à plusieurs par chambre, souvent très coupés de la population et des travailleurs français.

Au soir du 17 octobre et les jours suivants, car les actions de la police allaient continuer, il y eut quelques rares gestes de solidarité de passants ou de personnels soignants avec les Algériens qui se faisaient matraquer. Mais la journée souligna combien les organisations, syndicats et partis de gauche, étaient loin des travailleurs algériens et bien peu soucieux de combler le fossé que la guerre creusait entre eux et les travailleurs français.

Après le 17 octobre, le FLN fit appel à la gauche française pour organiser, le 1er novembre, une manifestation pour protester contre la répression et exiger la fin de la guerre. PCF et CGT compris, aucune ne répondit. Il fallut attendre le 8 février 1962 pour les voir appeler à une manifestation, en riposte à un attentat de l'OAS, qui elle aussi eut à faire face à un déchaînement de violence policière, qui fit huit morts au métro Charonne.

Cinquante ans après, les crimes de la police française le 17 octobre 1961 sont toujours couverts par le silence de l'État. Il ne faut pas qu'ils soient oubliés.

Sophie GARGAN

Un collectif d'associations et de partis politiques appelle à manifester pour rappeler le 17 octobre 1961 et demander « que les plus hautes autorités de la République reconnaissent les massacres commis par la police parisienne le 17 octobre 1961 et les jours suivants, comme un crime d'État. »

Lutte Ouvrière soutient cette manifestation

Lundi 17 octobre à 18 heures

du boulevard Poissonnière (métro Bonne-Nouvelle devant le cinéma Rex) jusqu'au pont Saint-Michel

Partager