L'État des riches a les serviteurs qu'il mérite07/10/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/10/une2253.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

L'État des riches a les serviteurs qu'il mérite

Le directeur-adjoint de la police judiciaire de Lyon mis en examen et emprisonné, ça fait désordre ! Il s'agit pourtant de ce que les policiers appellent un « grand flic », qui a même inspiré un film. Le voilà donc interrogé par ses collègues, après une enquête de près de dix mois, parce qu'il est soupçonné de corruption, de trafic international de stupéfiants, de blanchiment d'argent et de quelques autres bricoles du même genre. Et l'affaire ne fait que commencer, car d'autres ont déjà été arrêtés dans des milieux policiers liés au milieu tout court.

Mais, à en juger par ce qui se passe plus haut dans la hiérarchie de l'État, le « superflic » devenu voyou a de quoi s'inspirer ! L'actualité bruit de scandales impliquant des dignitaires politiques, des ministres, des ex-candidats à l'élection présidentielle. La proximité d'une élection présidentielle incite souvent à des confidences susceptibles de nuire à un rival.

Comme dans de mauvais films d'espionnage, il est question de valises de billets qui circulent dans la plus parfaite illégalité, de rétrocommissions, c'est-à-dire de dessous-de-table dans des contrats d'armement, sans parler des enveloppes distribuées par une madame Bettencourt et sans doute quelques autres.

Tous les hauts dignitaires de l'État ne se livrent certes pas à de petites et grandes malversations pour leur compte personnel. Mais, dans cet État, avec sa hiérarchie de haut en bas sans contrôle, un poste d'autorité permet bien des choses.

La raison d'être de tout ce système hiérarchique de haut en bas n'est certes pas de permettre à un policier ripou ou à un ministre de faire ses petites crapuleries personnelles. Sa raison d'être est de protéger une hiérarchie sociale, des inégalités autrement plus pesantes sur la société. C'est de protéger la mainmise d'une minorité de possesseurs de capitaux sur les richesses créées par la majorité travailleuse.

Les lois, la justice, la police, l'armée, toute l'administration de l'État, servent avant tout à protéger la propriété capitaliste et l'exploitation.

Et l'honnêteté elle-même est mesurée à cette aune : elle signifie servir l'État des riches de façon désintéressée, sans recevoir d'enveloppes, sans enrichissement personnel.

Mais en revanche les dirigeants de l'État, même élus, sont libres de renier leur parole et leurs promesses, de faire l'inverse de ce qu'ils ont promis pour se faire élire. La seule sanction qui les attend, éventuellement, c'est qu'ils ne soient plus réélus au bout de cinq ou six ans.

On nous dit que la France est une démocratie. Mais la démocratie dans le fonctionnement de l'État se limite à autoriser les électeurs à élire périodiquement des responsables politiques. Les élus servent de fusibles. La permanence du pouvoir est assurée par de hauts fonctionnaires inamovibles que personne n'élit et que personne ne contrôle, sauf de haut en bas.

Derrière ce pouvoir étatique incontrôlé, il y a le pouvoir encore moins contrôlé des grands groupes capitalistes, des grandes dynasties bourgeoises qui règnent tout à fait légalement sur la vie de dizaines de milliers de travailleurs, sans avoir de comptes à rendre à personne.

Lors de la seule et courte période où les travailleurs insurgés ont exercé le pouvoir dans ce pays, en 1871, pendant la Commune de Paris, une de leurs premières décisions a été de décréter que tous ceux qui occupaient une fonction de responsabilité devaient être élus et révocables à tout instant. Leur revenu ne devait pas excéder un salaire d'ouvrier.

Pensons-y, maintenant qu'on recommence à nous chanter que l'espoir de changement réside dans la prochaine élection présidentielle. Le bulletin de vote permettra tout au plus de remplacer Sarkozy par le candidat qui sortira vainqueur des primaires socialistes. Mais rien ne changera pour le reste : l'État restera au service des plus riches et demeurera la dictature sur l'économie et la société des grands capitalistes, les Arnault, Dassault, Mulliez, Lagardère, Pinault et autres Peugeot.

Le pouvoir de ces gens-là ne sera menacé que par un mouvement venu d'en bas, de ces exploités qui n'ont que leur travail pour vivre -- quand la folie de l'économie capitaliste ne les prive pas même de cela. La société ne sera débarrassée des petits parasites, qui prospèrent par la corruption, que lorsqu'elle sera débarrassée des grands parasites du travail humain : les exploiteurs capitalistes.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 3 octobre

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