Censure de presse : Motus et publicité cousue28/09/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/09/une2252.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Censure de presse : Motus et publicité cousue

Le maroquinier-bagagiste de luxe Louis Vuitton a trempé, comme bien d'autres industriels, dans la collaboration. Un livre, publié en 2004, Louis Vuitton, une saga française, avait rappelé qu'il fut le seul à garder sa boutique à l'Hôtel du Parc, promu siège du régime de Vichy, qu'il fabriqua en nombre des bustes de Pétain et qu'Henri Vuitton fut décoré par les nazis, au milieu d'officiers de la SS et de la Wermacht vêtus d'uniformes dessinés par un autre grand du luxe, allemand celui-là : Hugo Boss...

La presse a peu fait écho à ce livre lors de sa publication. Il est vrai que le groupe LVMH (pour Louis-Vuitton -Moët-Hennessy) du milliardaire Bernard Arnault possède, outre divers médias, La Samaritaine, Le Bon Marché, Guerlain, les parfums Dior, Givenchy, Kenzo, les champagnes Veuve Cliquot, Dom Pérignon, le whisky Glenmorangie, les marques de joaillerie-horlogerie Tag Heuer, Chomet, Bulgari... Tout cela en fait le principal annonceur publicitaire du pays, et donc dispensateur de la manne sans laquelle la plupart des médias commerciaux ne survivraient pas. Et tous vivent dans la crainte qu'on ne leur ferme le robinet de la pub.

En témoigne la récente mésaventure du sujet sur la « collaboration économique », dont celle de Vuitton, que les lecteurs de Géo histoire auraient pu lire... s'il n'avait été censuré. Revu par un historien, approuvé par la rédactrice en chef déléguée, ce dossier passa au service juridique de la revue avant de finir au service publicité, qui y mit son veto.

« Si cet article passait, je sautais » a déclaré la responsable qui en avait pourtant félicité l'auteur. Furieux, les membres de la rédaction ont alors saisi le conseil « d'éthique » de leur employeur dont la charte parle de « séparation entre la publicité et les contenus rédactionnels ». Mais entre les mots creux et le poids des budgets publicitaires, la messe a été vite dite : « Le rédacteur en chef n'est pas complètement libre (car) il peut et doit tenir compte des considérations économiques », leur a-t-on répondu.

Un rappel écrit inhabituel : d'ordinaire ces « considérations » sont si bien intégrées par les rédactions que l'autocensure y règne. Tant mieux pour la publicité, et tant pis pour la vérité.

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