Conférence de presse de Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière à l'élection présidentielle (6 septembre 2011)07/09/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/09/une2249.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Conférence de presse de Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière à l'élection présidentielle (6 septembre 2011)

Pour cette conférence de presse de rentrée, je voudrais esquisser les grandes lignes de notre campagne présidentielle.

Cette campagne va se dérouler dans un contexte particulièrement dur pour les travailleurs, pour les salariés, pour les retraités, pour les petites gens, dont je souhaite porter les préoccupations et représenter les intérêts politiques dans cette élection.

Mais la situation est pesante pour l'ensemble de la société, ou plus exactement pour l'écrasante majorité qui ne possède pas de capitaux à placer et qui ne spécule pas.

Parce que vous le savez comme moi, la crise financière ébranle une nouvelle fois toute l'économie et il est évident aujourd'hui que les dirigeants politiques ne maîtrisent absolument rien. La fréquence même des rencontres au sommet entre les grands chefs d'État est l'aveu de leur impuissance.

Le fait que l'organisation capitaliste de l'économie soit totalement incapable de maîtriser une de ses crises est la preuve que cette économie, en plus d'être injuste, est profondément irrationnelle et qu'elle est dans une impasse.

La crise actuelle et l'affolement général qu'elle a déclenché chez ceux qui se veulent « l'élite dirigeante » nous conforte dans nos convictions de militants communistes.

Oui il est nécessaire de changer toute l'organisation sociale, de la réorganiser de fond en comble sans les lois du marché et du profit, sur des bases communistes. Tous nos raisonnements, toute notre politique découlent de cette certitude.

Mais nous savons bien qu'une révolution ne peut pas surgir des urnes, pas plus de celles de l'élection présidentielle de 2012 que d'aucune autre. La transformation révolutionnaire de la société ne pourra résulter que de l'activité consciente de la masse des exploités. Elle surviendra quand des millions de femmes et d'hommes, révoltés par leurs conditions d'existence, seront décidés à prendre le mal à la racine. Lorsqu'ils seront décidés à agir par eux-mêmes pour mettre fin au pouvoir absolu de la classe capitaliste, minoritaire et irresponsable.

Les problèmes vitaux du chômage et des hausses de prix

En ce qui concerne cette élection je parlerai des problèmes vitaux qui minent la classe ouvrière : le chômage et le pouvoir d'achat. Et je dirai et redirai aux travailleurs que ce n'est pas une fatalité et que l'on peut les combattre à condition de se défendre, à condition d'inverser le rapport de forces entre les travailleurs et la bourgeoisie. À condition que les travailleurs fassent prévaloir leurs propres intérêts y compris dans cette période de crise.

Parce qu'il est particulièrement révoltant que ceux qui dirigent l'économie et qui en sont les bénéficiaires n'assument pas la responsabilité des dégâts qu'ils causent ! Ils continuent à s'enrichir, pendant qu'on impose aux salariés, aux retraités, aux chômeurs, aux petites gens, de payer pour une crise dont ils ne sont en rien responsables.

Le gouvernement, Sarkozy et Fillon en tête, mène en ce moment une campagne permanente pour dire que la dette de l'État a franchi un seuil intolérable et qu'il faut tout faire pour la réduire.

Toute cette campagne est une vaste fumisterie, en même temps qu'un chantage en direction des classes travailleuses pour qu'elles fassent passer au second plan leurs exigences légitimes et vitales.

La fumisterie de la campagne sur la dette

Depuis la crise financière de 2008, la dette publique a augmenté de près de 400 milliards d'euros. Mais si l'État s'est endetté jusqu'au cou, ce n'est certainement pas parce qu'il a fait des cadeaux aux salariés, aux retraités ou aux chômeurs. L'État a vidé ses caisses et emprunté pour mettre des milliards à la disposition des banquiers afin de les sauver des conséquences désastreuses de leurs propres spéculations. Il a emprunté pour financer la « prime à la casse » et autres subventions données au grand patronat. Il a fait de l'assistanat en grand pour capitalistes en difficultés !

Eh bien, ceux qui parlent de la dette comme d'un problème incontournable sans dire au profit de qui la dette a été faite, mentent à la population. Ils cachent cette injustice fondamentale qui est de faire payer les catégories les plus pauvres de la population pour rembourser les dettes faites au profit des plus riches !

La dette de l'État, n'est pas un problème pour tout le monde ! Pour toute une partie de la classe capitaliste, ce n'est pas du tout un problème, c'est au contraire une source de profit puisqu'ils encaisseront, en 2011, 50 milliards d'euros d'intérêt. Et si la dette est un problème pour les travailleurs, c'est uniquement parce que les possédants veulent leur en imposer le remboursement !

Alors, ce que j'ai à dire aux travailleurs, c'est de ne pas se laisser impressionner par ce qui n'est qu'un chantage, que je considère abject même et surtout lorsqu'on l'enveloppe d'appels à la « solidarité nationale » ou au « partage des sacrifices ».

(...)

Quel que soit l'enrobage, quand les dirigeants politiques parlent de rigueur, ce sont toujours les classes populaires qui finissent par payer ! Et que les candidats socialistes à la primaire cherchent tous à concurrencer Sarkozy sur le terrain de l'austérité montre que s'ils reviennent au pouvoir, la seule chose qui changera c'est que les coups ne viendront plus de la droite mais de la gauche !

Alors, ce que je dirai aux travailleurs, c'est que le chantage concernant la dette et la crise ne peut pas, ne doit pas faire passer au second plan les deux exigences vitales du monde du travail : imposer des mesures à même de nous protéger contre le chômage et imposer des mesures contre la perte de pouvoir d'achat du fait des hausses de prix.

Contre le chômage : la répartition du travail sans diminution de salaire

Vous savez tous que le nombre de chômeurs est en augmentation. Même les chiffres officiels approchent les trois millions de chômeurs. Et tout le monde sait qu'une fois de plus, les statistiques officielles sont faites autant pour montrer la réalité que pour la masquer. Le nombre de ceux qui n'ont pas de travail ou qui n'en ont qu'occasionnellement approche en réalité les six millions. Le nombre de chômeurs de longue durée s'accroît, comme s'accroît le nombre de jeunes qui commencent leur vie active à courir de petits boulots en petits boulots mal payés, quand ils ne sont pas chômeurs. Même l'Insee, très modéré dans les conclusions qu'il tire de ses statistiques, parle de huit millions de pauvres dans ce pays ! Rien que ce chiffre-là est une condamnation du système économique.

Cette situation est une catastrophe pour les travailleurs concernés et pour leur famille. Mais elle nuit à bien d'autres catégories : petits commerçants, paysans, artisans, dont les revenus sont liés à ceux des travailleurs.

Et c'est une catastrophe pour l'ensemble de la société car bien des maux qui frappent notre société, considérée pourtant comme étant parmi les plus riches de la planète, en découlent. En découlent la ghettoïsation des quartiers populaires, la désocialisation d'une partie de la jeunesse, l'insécurité, les trafics et bien d'autres choses encore.

Mais le chômage n'est pas une fatalité, on peut le combattre.

Pour stopper la progression du chômage et pour l'éradiquer, il y a une solution simple : interdire les licenciements collectifs et répartir le travail entre tous sans diminution de salaire. Ce sera une des exigences essentielles que je formulerai dans ma campagne. Cela coûterait de l'argent au grand patronat ? Oui, incontestablement, mais de l'argent les groupes capitalistes en ont bien au-delà de ce qui leur est nécessaire pour les investissements auxquels d'ailleurs ils procèdent de moins en moins. La preuve en est l'ampleur atteinte par la spéculation.

Eh bien, l'argent gaspillé dans la spéculation serait infiniment mieux utilisé du point de vue des intérêts de la société s'il servait à verser des salaires permettant à tous de vivre correctement. Et lorsqu'il y a moins de travail, il faut réduire les horaires, mais sans toucher au montant du salaire !

Ce serait une mesure de justice sociale élémentaire. Les propriétaires et les actionnaires des groupes capitalistes ont touché tous les ans, depuis le début de la crise, des dividendes en hausse de 5 %, 10 %, voire plus. Il faut leur imposer de ne pas toucher de dividendes pour arrêter le recul subi par les travailleurs.

Imposer l'échelle mobile des salaires

Une autre exigence que je défendrai pendant la campagne, c'est d'être protégés contre les hausses de prix qui se multiplient. Les loyers deviennent prohibitifs pour les familles ouvrières. Les prix des articles de consommation courant dont la nourriture augmentent de plus en plus. La seule mesure susceptible de protéger le pouvoir d'achat des salariés contre ces hausses de prix est l'indexation automatique des salaires sur les prix. Ce que le mouvement ouvrier appelle traditionnellement « l'échelle mobile des salaires ».

Au-delà de ces deux exigences vitales, je mettrai en avant dans ma campagne la levée du secret bancaire, industriel et commercial, c'est-à-dire la levée du secret des affaires. Les groupes capitalistes, les banquiers, sont trop irresponsables à l'égard de la société. Ils se préoccupent exclusivement de leurs profits privés : ils l'ont montré tout au long de la crise.

Eh bien, il ne faut pas les laisser prendre leurs décisions dans le secret des conseils d'administration, sans le moindre contrôle, sans même la moindre transparence. Un salarié, un cadre, même s'il est au courant d'un projet contraire aux intérêts de la société ou de l'environnement, n'a légalement pas le droit de le dévoiler. Il faut supprimer cet interdit.

La crise financière de 2008 a révélé toutes les pratiques bancaires nocives, les manoeuvres spéculatives, qui ont conduit à la crise. Mais c'était trop tard. Les comportements scandaleux doivent être révélés à temps pour qu'ils puissent être empêchés.

Mais je constate que, même après la crise financière de 2008 qui a révélé toute l'étendue de la responsabilité des banques et des groupes financiers dans son déclenchement, au lieu de les soumettre à contrôle ou seulement à un minimum de réglementation pourtant annoncée, tous les États leur sont venus en aide en déboursant des sommes fantastiques. Et aujourd'hui, c'est à la majorité de la population qu'on présente la facture sous prétexte de l'endettement excessif des États. On nous explique que l'économie ne peut se passer des banques. Peut-être ! Mais elle peut se passer des banquiers !

Je suis partisane de l'expropriation de toutes les banques, de leur unification dans une banque unique contrôlée par la population. C'est la seule façon de s'opposer à ce que l'argent accumulé serve à la spéculation et de le diriger vers des investissements productifs utiles à la population.

Quant à l'usage du secret pour les grands patrons, je rappelle ce scandale révélé avant les vacances par la CGT et qui concerne le trust Peugeot-Citroën. Comme vous le savez le groupe PSA étudie depuis trois ans le projet de fermer trois de ses usines, dont celle d'Aulnay, dans un département -- la Seine-Saint-Denis -- déjà sinistré par l'ampleur du chômage. Et circonstance aggravante, ce projet a été étudié par la direction juste après avoir reçu de l'État trois milliards d'euros, en échange de la promesse de ne pas fermer d'usine.

Les principaux concernés, les travailleurs des usines menacées, leur famille, ainsi que la population environnante n'en auraient pas été informés si la CGT ne l'avait pas révélé.

Abolition du secret des affaires !

C'est déjà grave que ceux qui dirigent l'économie soient irresponsables à ce point. Mais il ne faut pas les laisser sans contrôle. La loi punit actuellement tous ceux qui portent à la connaissance du public les mauvais coups qui se préparent derrière le secret des affaires. Eh bien il faut supprimer cette loi ! Cela ne créerait bien sûr que les conditions légales d'un contrôle de la population et pour que ce contrôle soit effectif, il faudrait encore la volonté de la population de prendre en main ce contrôle et de se mobiliser pour cela. Mais la suppression du secret des affaires serait un premier pas pour contester la dictature du grand capital.

Voilà, mesdames et messieurs les journalistes, quelques-uns des points essentiels que je compte soulever dans la campagne présidentielle. Personne d'autre ne mettra en avant ces objectifs. Les autres candidats sont trop respectueux du marché, de la propriété capitaliste pour le faire. Alors vous comprendrez aisément pourquoi nous ne cherchons aucune alliance dans cette élection.

Quels que soient nos résultats, les élections terminées, il y aura de bonnes âmes, y compris parmi vous, pour nous expliquer qu'en nous alliant avec Pierre, Paul, Jacques, ou Jean-Luc, nous aurions pu récolter un meilleur résultat et que nous nous sommes condamnés à n'être qu'une candidature de témoignage. De toute façon, je ne récuse pas le mot. Mais je vous signale qu'à part celui qui sera élu, tous les autres candidats n'auront été que des candidatures de témoignage !

Alors, nous nous présenterons sur la base de ces idées qui sont les nôtres non seulement parce qu'elles nous semblent justes du point de vue des intérêts des exploités, mais aussi pour permettre à l'électorat populaire de ne pas se laisser enfermer dans le choix entre un président de la République de droite qui mènera la politique du grand patronat et un(e) président(e) de gauche qui en fera autant.

Un programme de lutte !

Et puis, de toute façon, une fois l'élection passée, les problèmes resteront entiers. Personne ne peut avoir la stupidité de croire que l'élection présidentielle infléchira la crise économique. Avec la poursuite et peut-être l'aggravation de la crise, les attaques de la classe possédante contre les exploités s'aggraveront. L'explosion sociale est inévitable, elle est nécessaire. Pour que ces luttes ne soient pas détournées sur des voies de garage, il est indispensable pour les travailleurs d'engager la lutte avec la conscience la plus claire possible de leurs intérêts, avec donc un programme de lutte.

Les objectifs que je viens d'énumérer constituent les grandes lignes de ce programme. Mes camarades le défendent autour d'eux, jour après jour, sur le terrain, en particulier dans les entreprises. C'est ce programme que je défendrai pendant la campagne. Il ne pourra se réaliser par aucun déplacement de voix dans les urnes. Mais si l'élection présidentielle contribue à le faire connaître plus largement et à le populariser, ce sera un pas considérable pour préparer la suite qui se déroulera là où les changements importants se décident : dans les entreprises, dans la rue et, en tout cas, dans la lutte.

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