Crise de la dette et « euro-obligations » : Les contradictions de l'Europe capitaliste17/08/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/08/une2246.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Crise de la dette et « euro-obligations » : Les contradictions de l'Europe capitaliste

Depuis que la crise de la dette des États fait rage en Europe, on évoque de plus en plus souvent la possibilité d'émettre ce que l'on appelle des « euro-obligations ». Autrement dit : au lieu que chaque pays de la zone euro cherche à placer, chacun de son côté, des obligations d'État pour financer son budget et son déficit, est-ce que l'Union européenne ne pourrait pas emprunter, en lieu et place de chacun de ses membres, sous sa propre signature financière ?

Spirale de la dette...

Ce sont évidemment les pays les plus en butte aux attaques contre leur propre dette publique qui auraient un intérêt immédiat à une telle mesure. Ainsi, vu le déchaînement de la spéculation contre la dette d'État italienne, le gouvernement de Berlusconi est un chaud partisan de la création d'euro-obligations.

En effet, ces pays voient s'envoler les taux d'intérêt auxquels ils peuvent emprunter, ce qui les étrangle et les enfonce dans une spirale infernale : dette qui s'alourdit ; nécessité d'emprunter encore plus pour y faire face ; exigences accrues des usuriers de la finance internationale...

Mi-août, par exemple, alors que l'Allemagne trouvait de l'argent à 2,3 % de taux d'intérêt sur dix ans, l'Espagne devait payer un tribut deux fois plus lourd aux financiers. Quant à la Grèce, les mêmes requins de la finance ne lui prêtaient qu'au taux prohibitif de 14,8 %.

... et Europe éclatée entre États rivaux

L'Union européenne et les États-Unis sont deux ensembles au développement économique et au poids démographique comparables. Mais outre-Atlantique, on a un État unique au service d'une économie unifiée, avec une monnaie unique, un seul ministère des Finances, des institutions financières qui empruntent au même taux, qu'il s'agisse de financer telle région délaissée ou l'État californien, très peuplé et très développé.

De ce côté-ci de l'Atlantique rien de tout cela n'existe. Si, après la Seconde Guerre mondiale, les États européens ont dû mutualiser certains domaines pour ne pas être marginalisés, cela s'est fait à petits pas. Et avec bien des réticences : chacune des bourgeoisies concernées a tenu à conserver son État pour la servir, et la protéger de ses voisines. Même dans la zone euro, avec une seule monnaie pour dix-sept États, on a dix-sept politiques budgétaires différentes.

La cacophonie à la tête de l'Union européenne autour des mesures dites d'aide à la Grèce a rappelé que, dans l'Europe prétendue unie, l'égoïsme des intérêts d'État donnait toujours le « la ». Et quand bien même cela s'accorde d'une intervention collective -- en faveur... des banques françaises et allemandes, qui détiennent notamment le gros de la dette de la Grèce --, il y a la démagogie réactionnaire, voire xénophobe, de certains partis politiques lorgnant le pouvoir dans les pays de la zone euro. Tout en sachant bien que la prétendue aide à la Grèce ou à l'Espagne sert les intérêts des grandes banques, notamment d'Allemagne, Angela Merkel tient compte de la fraction la plus conservatrice de son électorat et n'a aucune envie de contrer ses préjugés.

Pourtant, des responsables de la Commission européenne ou de l'Eurogroupe se sont dit favorables aux euro-obligations. Des responsables allemands aussi, précisant que l'économie allemande, qui dépend de ses exportations et donc de la bonne santé de ses partenaires commerciaux européens, avait tout intérêt à ce que la zone euro cesse de tanguer sous les coups de la spéculation contre tel ou tel de ses membres.

Créer un système d'obligations européen à la place de multiples systèmes nationaux conforterait la zone euro, et permettrait à ses membres les plus faibles d'emprunter à moindre coût, mais renchérirait aussi un peu le coût du crédit pour les pays présentés comme les « bons élèves » de la classe. Leur bourgeoisie n'en mourrait pas, bien sûr. Mais des partis d'opposition en profiteraient pour attaquer un gouvernement défendant une telle mesure.

Les deux principales puissances du continent auraient un intérêt certain à renforcer la zone euro, ce qui passerait entre autres par une mutualisation et un contrôle de la dette publique au niveau européen. Mais, en même temps, elles sont trop jalouses de la façon dont chacune peut, sans contrôle aucun, subventionner ses classes possédantes. Et cet égoïsme national ajoute encore à la fragilité d'un système dont la crise est un peu plus menaçante chaque jour.

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