Il y a 100 ans - Mexique, 21 mai 1911 : Le dictateur Porfirio Diaz chassé par les paysans insurgés22/06/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/06/une-2238.gif.445x577_q85_box-0%2C19%2C233%2C321_crop_detail.png

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Il y a 100 ans - Mexique, 21 mai 1911 : Le dictateur Porfirio Diaz chassé par les paysans insurgés

Le 21 mai 1911, Porfirio Díaz, qui régnait en maître absolu sur le Mexique depuis trente-cinq ans, abandonnait le pouvoir, chassé par les armées paysannes de Pancho Villa, Émiliano Zapata et Pascual Orozco.

Díaz était pourtant arrivé à la tête de l'État mexicain en 1876 en se disant opposé à toute réélection ! Entouré de conseillers, les Cientificos, intellectuels et entrepreneurs capitalistes, il ouvrit le Mexique aux capitaux étrangers venus des États-Unis et d'Europe. Le pays connut un début d'industrialisation et la construction de ports, de routes et de voies ferrées destinées à faciliter le pillage impérialiste des ressources du pays : sucre dans le centre, élevage dans le nord, café dans le sud, divers minerais et pétrole.

Les paysans pauvres, traités comme des esclaves, avaient soif de terres car 1 % de la population possédait 97 % de la superficie du pays, et 96 % de la population n'avait que 1 % des terres à se partager ! Cette concentration terrienne s'accompagnait d'une répression féroce contre ceux qui protestaient. En janvier 1907, des grèves dans l'industrie textile prirent fin avec le massacre de Rio Blanco qui coûta la vie à deux cents travailleurs. En 1908, plusieurs soulèvements paysans furent durement réprimés.

Dans ces luttes, les idées anarchistes des frères Flores Magón et de leur journal, Regeneración, faisaient sentir leur influence. Regeneracíon revendiquait une réforme agraire radicale, l'annulation des dettes des paysans, la restitution aux paysans des terres communales (ejidos) et des terres en friche, mais aussi la journée de travail de huit heures, l'interdiction du travail des enfants, un salaire minimum, le repos dominical obligatoire, l'abolition des tiendas de raya (les commerces appartenant aux employeurs où s'endettaient les salariés), des pensions de retraite, des indemnités pour les accidents de travail et des droits pour les travailleurs. Ces idées influencèrent les combattants de la révolution, qui résumaient leurs exigences dans la formule : « terre et liberté ».

DIX ANS DE GUERRE CIVILE

En 1908, lorsque Díaz déclara qu'il ne se représenterait pas aux élections de 1910, un propriétaire foncier de la région du Morelos, Francisco Madero, le prit au mot. Sa campagne fut un succès. Aussi, quelques jours avant le vote, il fut arrêté par Diaz, qui fut réélu ! Madero s'évada, proclama la nullité des élections, exigea la présidence provisoire et appela à l'insurrection pour le 20 novembre 1910. Un groupe de petits paysans propriétaires, avec à sa tête Pancho Villa, et un groupe de mineurs conduit par Pascual Orozco furent les premiers à s'insurger. En mars 1911, ils furent rejoints par les paysans du Morelos conduits par Émiliano Zapata, motivés par la promesse de Madero de restituer les terres communales.

Le 21 mai, Diaz partait en exil à Paris et, le 7 juin, Madero entrait dans Mexico. Le 6 novembre, il était élu président avec 90 % des voix. Madero tardant à rendre les terres communales, Zapata et ses troupes se soulevèrent pour s'en emparer. Madero lança contre eux l'armée du général Huerta. Mais l'insurrection paysanne s'étendit. Ayant renoncé à la réforme agraire qu'il avait prétendu incarner, Madero se retrouva isolé, contrecarré par l'administration de l'ancien régime, tandis que le général Huerta jouait sa propre carte, avec le soutien des États-Unis. Huerta l'emprisonna et le fit assassiner le 22 février 1913.

Mais, à son tour, Huerta fut écarté par un ancien sénateur de Diaz, Venustiano Carranza, qui eut l'habileté de reconnaître les grades de tous ceux qui avaient combattu pour Madero, mais pas ceux des hommes de Huerta. Il reçut le soutien des possédants et des États-Unis en annonçant que les propriétaires, mexicains ou pas, pourraient réclamer des indemnités pour les dommages causés par la révolution.

Carranza se retrouva à son tour face à l'insurrection paysanne. Au nord, Pancho Villa conduisait une armée de dizaines de milliers d'hommes assez organisée pour battre à plusieurs reprises les troupes de l'État fédéral et, dans le Morelos, les paysans armés de Zapata se lançaient dans une réforme agraire radicale. Fin 1914, les deux armées entrèrent dans Mexico, obligeant Carranza à s'enfuir à Veracruz. Villa et Zapata se firent photographier dans les fauteuils du gouvernement, mais retournèrent ensuite dans leurs fiefs respectifs. Leaders d'une révolution paysanne, ils ne se voyaient pas exercer le pouvoir à Mexico.

L'ABSENCE D'UNE DIRECTION POLITIQUE OUVRIERE ET PAYSANNE

La classe ouvrière, elle, aurait sans doute pu donner une base à la révolution dans les villes. Mais la majorité des dirigeants ouvriers d'alors ne cherchèrent pas à s'allier aux paysans insurgés, calculant qu'ils pourraient obtenir un statut privilégié en soutenant le général Alvaro Obregón qui, derrière Carranza, allait être l'artisan de la reconquête du pouvoir par la bourgeoisie. Ils se contentèrent donc de former des bataillons ouvriers au sein de son armée. Une minorité de militants ouvriers anarchistes s'opposa à cette orientation, sans parvenir à la contrecarrer.

Les paysans insurgés, privés d'alliés dans les villes, allaient rester isolés, chacun dans leur région. Cela permit finalement au général Obregón d'en venir à bout. Il succéda à Carranza à sa mort en 1920, reprenant sous une forme édulcorée certaines revendications paysannes comme la jouissance des terres communales, mais faisant assassiner Zapata et Villa. Son successeur, le général Calles, créa en 1929 le Parti révolutionnaire institutionnel qui allait monopoliser le pouvoir jusqu'à la fin du 20e siècle, avec l'appui de la bureaucratie syndicale.

Dans les années trente, les masses ouvrières et paysannes entrant à nouveau en mouvement, le président Lazaro Cardenas concéda une vaste réforme agraire et nationalisa, avec indemnités, le secteur du pétrole sous contrôle étranger. Ce n'est qu'en 1992 que ses lointains successeurs mirent fin à la réforme agraire et privatisèrent l'industrie du pétrole.

Un siècle après la révolution de 1910-1911, la libération des ouvriers et des paysans du Mexique reste à accomplir, sous une direction politique qui ne soit pas celle d'un quelconque bourgeois ou d'un général démagogue.

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