Ben Laden : Tué pour avoir mordu les salauds qui l'avaient dressé04/05/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/05/une-2231.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Editorial

Ben Laden : Tué pour avoir mordu les salauds qui l'avaient dressé

Toutes les télévisions du monde ont retransmis les images d'Obama annonçant l'exécution de Ben Laden par un commando américain et les manifestations de joie dont cette annonce a été accompagnée à Washington. En entendant l'avalanche de congratulations qui a suivi, on se dit qu'il n'y a quand même pas de quoi exulter parce que les services secrets et l'armée de la plus grande puissance du monde ont fini par avoir au bout de dix ans la peau de l'homme qui avait conçu les attentats du 11 septembre 2001.

Ben Laden était une crapule et il n'y a certainement pas lieu de pleurer sa mort. Les attentats de 2001 ont été une infamie parce que, si le World Trade Center a pu passer pour le symbole de l'impérialisme américain, les près de trois mille employés qui sont morts dans les attentats n'étaient pour rien dans la politique impérialiste.

Il suffit d'écouter cependant les informations relatant la vie de Ben Laden pour réaliser qu'il a été fabriqué par l'impérialisme américain lui-même.

Ce fils d'une riche famille bourgeoise installée en Arabie saoudite s'était lancé dans l'activité terroriste sous le patronage des services secrets américains. À cette époque des années 1980, l'Afghanistan était occupé par l'armée soviétique. Pour contrer l'influence de Moscou sur ce pays, Washington avait fait feu de tout bois en soutenant et armant des guérillas fondamentalistes. Les origines d'Al Qaïda sont les mêmes que celles des talibans, ces étudiants en religion qui allaient un peu plus tard imposer leur dictature sur l'Afghanistan.

Les puissances impérialistes sont habituées à ce genre de jeu, même en dehors du contexte des rivalités passées avec l'ex-Union soviétique. Leur domination sur le monde soulève tellement d'indignation, de colère, de haine, que toutes leurs armées ne suffiraient pas à contenir les explosions que cela provoque. Elles complètent leur violence directe par la manipulation des forces réactionnaires locales ainsi qu'en dressant des peuples les uns contre les autres. Le pillage de la planète par quelques dizaines de grands groupes capitalistes se perpétue à ce prix.

Mais il arrive souvent que les chiens de garde deviennent enragés et mordent leurs propres maîtres. C'est ce qui est arrivé à l'État d'Israël, qui avait naguère manipulé le Hamas pour réduire l'influence d'Arafat. C'est ce qui est arrivé aux États-Unis avec Ben Laden. La machine à tuer si perfectionnée qu'ils ont contribué à créer a montré sa terrible efficacité au cour même de la puissance américaine.

Alors, les dirigeants de ce monde peuvent toujours se réjouir bruyamment et annoncer que le terrorisme est mort. Mais il n'est pas mort, car ce sont eux qui le font sans cesse renaître. Si Ben Laden a pu se cacher si longtemps, non pas dans une grotte au fin fond des montagnes d'Afghanistan, mais dans une villa à proximité d'Islamabad, la capitale du Pakistan, allié des États-Unis, c'est qu'il a bénéficié de complicités, à commencer par les services secrets du Pakistan, mais aussi dans la population.

Oui, Ben Laden était une crapule, qui avait le même mépris pour les hommes que les dirigeants du monde impérialiste. Les bombardements aveugles des uns nourrissent les attentats aveugles des autres. Pour recruter et fanatiser des hommes désespérés au point de se faire sauter avec leurs bombes, Ben Laden a pu trouver un vivier dans l'immense misère matérielle et morale fabriquée par la domination de l'impérialisme dans les pays pauvres musulmans.

Même en pleine euphorie, les responsables politiques de l'impérialisme craignent une vague d'attentats, ne serait-ce que par vengeance. Car, si Ben Laden est détesté, et pour cause, dans la population américaine, il en va autrement dans cette partie du monde où même ses pires actions passent pour des actes vengeurs contre ces puissances occidentales qui la pillent, l'exploitent et l'humilient.

Ceux des masses pauvres qui se sont sentis vengés de leur propre humiliation par les actes et les discours de ce riche fils de famille bourgeoise, réactionnaire, se trompent, bien sûr. Ceux qui pratiquent le terrorisme aveugle au nom d'idées réactionnaires ne peuvent engendrer que des régimes d'oppression féroce pour les exploités. Pour les pauvres, il n'y a pas plus de vengeur suprême que de sauveur suprême.

L'émancipation des travailleurs des carcans d'une société où règnent l'argent, l'exploitation, l'impérialisme, sera l'ouvre des travailleurs eux-mêmes. Cela vaut pour les masses déshéritées de là-bas comme pour les exploités d'ici.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 2 mai

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