Libye : Le brigandage qui se proclame humanitaire30/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/04/une-2226.gif.445x577_q85_box-0%2C9%2C172%2C231_crop_detail.png

Editorial

Libye : Le brigandage qui se proclame humanitaire

Cela fait dix jours que des avions français, britanniques, américains et quelques autres bombardent la Libye. Les grandes puissances coalisées prétendent que c'est pour venir au secours de la population libyenne, victime des atrocités de son dictateur, Kadhafi. Mais il faut être bien naïf pour croire les dirigeants de ces grandes puissances. Tout au long de leur histoire, elles ont mené leurs guerres, leurs interventions militaires et commis les pires atrocités en invoquant la démocratie, la liberté, la civilisation, et jamais leurs véritables raisons : le pillage et l'exploitation.

Kadhafi est certes une crapule, dictateur de son peuple. Ses quarante ans de règne sur la Libye, c'est le règne de l'arbitraire, de l'absence de libertés démocratiques, le musellement de toute opposition, les arrestations pour délit d'opinion, les tortures. Mais à crapule, crapule et demie. Les grandes puissances ont un bilan bien plus sordide, car multiplié par le nombre de pays qu'elles tenaient ou qu'elles tiennent encore sous leur domination.

Pour ce qui est de la France, le temps de la domination coloniale directe n'est pas si loin pour que l'on oublie les arrestations arbitraires, les tortures et les assassinats de l'armée française, de l'Indochine à l'Algérie en passant par l'Afrique noire.

Et depuis que la domination coloniale directe a cessé, cela a continué par dictateurs autochtones interposés, imposés, soutenus, armés par l'impérialisme français pour que ses intérêts, les intérêts de ses groupes capitalistes, continuent à être protégés. De Mobutu au Congo à Houphouët-Boigny en Côte-d'Ivoire, en passant par Bokassa en Centrafrique, ou Biya au Cameroun, les groupes capitalistes français ont bénéficié des services d'une belle collection de crapules qui n'étaient ni meilleures ni pires que Kadhafi.

Et, faut-il le rappeler, ce soutien indéfectible de la prétendue « démocratie française » à des dictateurs bourreaux de leur peuple n'a pas été la spécialité des seuls gouvernements de droite : la gauche au pouvoir, si fière de savoir « mettre les mains dans le cambouis », les a toujours mises dans le cambouis sanglant de dictatures qui servaient les intérêts de l'impérialisme français.

Kadhafi lui-même a été pendant longtemps un allié. La somptueuse réception de Kadhafi par Sarkozy, il n'y a pas si longtemps, était à l'image des liens entre classes dirigeantes des deux pays. Maintenant que le vent tourne dans les pays arabes, la France comme les autres grandes puissances se débarrassent de leurs créatures ou de leurs alliés devenus encombrants et inutiles.

Mais, comme dans le passé, elles n'ont rien à faire des peuples et de leur vie. Ce qui les intéresse dans le cas de la Libye, c'est le pétrole, c'est le gaz, qui enrichissent les trusts du pétrole, dont Total, et les commandes d'avions et d'armes qui enrichissent Dassault, Lagardère et quelques autres.

Les insurgés de Benghazi croient mourir pour la liberté mais, au mieux, ils auront un régime vaguement parlementaire, sans liberté pour les classes pauvres. Ils croient aussi, à en juger par les déclarations de certains devant les caméras de télévision, que les revenus du pétrole seront un peu mieux répartis, et pas engrangés par le seul clan de Kadhafi. Mais les profits du pétrole continueront à être encaissés par les multinationales du pétrole, et les classes pauvres resteront pauvres.

Parallèlement à l'action des armes, commence la diplomatie. Les grandes puissances se réunissent ce mardi pour discuter de l'avenir de la Libye. Elles chercheront peut-être à pousser Kadhafi dehors, mais ce n'est même pas dit.

Que Kadhafi parte, personne ne le regrettera, hormis son clan. Mais les marchandages qui s'ouvriront concerneront surtout les grands trusts du pétrole et leurs accès respectifs aux ressources libyennes, ou encore la part des groupes capitalistes des différentes puissances sur le marché libyen, celui des armes comme celui de la reconstruction de ce que les avions sont en train de détruire. Le sort du peuple libyen ne les intéresse pas plus que celui des autres peuples n'intéresse les dirigeants des grandes puissances lorsqu'elles décident de leur devenir.

Les travailleurs n'ont en tout cas pas à se sentir solidaires de l'aventure militaire de leur bourgeoisie, ni des marchandages diplomatiques entre brigands pour partager le butin. Une guerre de brigandage reste une guerre de brigandage, même si on la présente comme une action humanitaire.

Arrêt immédiat des bombardements sur la Libye ! Armée française, hors de la Libye comme de toute l'Afrique !

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 28 mars

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