Les va-t-en-guerre23/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/03/une-2225.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Editorial

Les va-t-en-guerre

L'armée française est donc en première ligne de la coalition de grandes puissances en train de bombarder en Libye. Sarkozy, Juppé et compagnie, qui jouent les matamores depuis plusieurs jours, se réjouissent bruyamment de leur succès diplomatique pour avoir obtenu la résolution de l'ONU qui, avec l'hypocrisie habituelle de la diplomatie internationale, autorise « une zone d'exclusion aérienne ». L'intervention se limite, pour le moment en tout cas, à une attaque par l'aviation. Mais c'est une vraie guerre, avec de vraies bombes, de vrais morts et de vraies destructions. Et les dirigeants ont beau répéter que ne sont ciblés que des objectifs militaires, les victimes dans la population civile se multiplieront. Ceux qui mènent cette guerre le savent bien, eux qui ont inventé l'expression « dégâts collatéraux ».

Les grandes puissances et nos dirigeants affirment qu'ils interviennent pour venir au secours du peuple libyen en train de se faire massacrer par son dictateur. Oui, Kadhafi est un dictateur, oppresseur de son peuple. Mais il l'est depuis quarante ans, et pendant longtemps sous les applaudissements de tous les grands de ce monde ! Les mouvements de menton de Sarkozy ne peuvent faire oublier la réception obséquieuse qu'il avait organisée lorsque Kadhafi était venu à Paris.

Kadhafi était un ami tant qu'il tenait son peuple solidement sous sa férule, qu'il tenait le robinet à pétrole et que ses revenus lui permettaient d'être un bon client pour les marchands d'armes, notamment de France.

Pour paraphraser l'expression d'une humoriste, l'état-major français n'a pas beaucoup de mal à connaître l'armement de Kadhafi : il suffit de retrouver les factures !

Maintenant que le pouvoir de Kadhafi est ébranlé, ses protecteurs occidentaux le lâchent, comme ils ont lâché à l'époque Saddam Hussein qu'ils avaient tant protégé auparavant. Et les circonstances offrent à Sarkozy l'occasion de jouer au chef de guerre et d'essayer de se replacer aux yeux de l'opinion publique arabe, après ses bévues en Tunisie et en Égypte où la France a été une des dernières à lâcher les dictateurs en place. Accessoirement, Sarkozy espère bien engranger quelques pour-cent de plus dans la course à la présidentielle.

Il n'est cependant même pas sûr qu'il parvienne à redorer son blason, car les peuples arabes ont tous fait l'expérience au long de leur histoire que, lorsque les puissances impérialistes interviennent, ce n'est jamais pour les aider mais, suivant les périodes, pour les coloniser, les dominer, les morceler ou, en tout cas, pour les piller.

Au moment où les puissances occidentales lancent leurs avions sur la Libye, prétendument au nom de la défense du peuple libyen et de la démocratie, les troupes d'Arabie saoudite sont en train d'envahir le petit État de Bahrein pour briser le mouvement populaire, sans que les puissances occidentales manifestent même leur réprobation.

Bien au-delà des peuples arabes, nombre de peuples d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie ont fait l'expérience d'interventions militaires que les puissances impérialistes ont toujours justifiées par de grandes phrases du genre : « le combat pour la démocratie » ou « la défense de la civilisation ».

Les puissances impérialistes, y compris la nôtre, sont présentes en Afghanistan, prétendant le faire pour « combattre le terrorisme », « pour établir la démocratie » ou pour « libérer les femmes », alors que ce sont leurs bombardements aveugles qui terrorisent des villages, que leur démocratie c'est le règne des seigneurs de guerre, et que les femmes restent aussi opprimées qu'avant.

Cette guerre-là n'est pas plus une guerre juste que toutes les autres que la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont menées dans le passé contre les peuples. Et le fait que le Parti Socialiste se soit immédiatement aligné derrière Sarkozy dans cette affaire montre seulement qu'il n'y en a pas un pour racheter l'autre, en matière de politique extérieure comme en matière de politique intérieure. Faut-il rappeler que le Parti Socialiste a porté la responsabilité de quelques-unes des pires guerres colonialistes et des pires aventures guerrières de l'impérialisme français, la guerre d'Algérie en particulier ?

Contrairement aux dignitaires du Parti Socialiste, flanqué des écologistes qui ne sont pacifistes que lorsqu'il n'y a pas de guerre, les travailleurs n'ont pas à être solidaires et, encore moins, fiers de l'intervention française en Libye.

Troupes françaises hors d'Afrique, et stop aux bombardements en Libye par l'aviation française !

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 21 mars

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