Groupe Renault : OSS 117 ne répond plus09/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/03/une-2223.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Dans les entreprises

Groupe Renault : OSS 117 ne répond plus

La rocambolesque histoire d'espionnage industriel supposé, lancée depuis plus de deux mois chez Renault au sein de son Technocentre de Guyancourt dans les Yvelines, semble faire long feu.

Chassés de l'entreprise début janvier, puis licenciés pour faute lourde, les trois hauts cadres étaient accusés par la direction d'avoir divulgué, contre rémunération déposée sur des comptes à l'étranger, des informations sur le programme des futurs véhicules électriques, dans lequel Renault déclare avoir investi 4 milliards d'euros.

L'affaire semble issue d'une lettre anonyme reçue fin août 2010 par le « comité de déontologie » de l'entreprise, cellule censée recevoir les délations de tout ordre. Une enquête interne - coût : 100 000 euros - avait été mise sur pied, mobilisant toutes les « compétences », dont celles d'un ancien membre de la DGSE, le contre-espionnage extérieur, avant d'être confiée aux « vrais » professionnels de la DCRI, le contre-espionnage intérieur, visiblement peu enclins à suivre la direction de Renault dans cette histoire.

Sans doute mieux informé, le ministre de l'Industrie Besson avait aussitôt fait allusion à une « guerre économique » et à une « piste chinoise »... pour se rétracter deux jours plus tard. Puis le PDG de Renault, Carlos Ghosn en personne, affirmait au 20 heures de TF1 asseoir ses « certitudes » sur des « pistes multiples » et Patrick Pélata, son second, assurait à son tour détenir « une lettre tout à fait concrète ».

À présent, l'affaire semble quasiment dégonflée et les trois hauts cadres passent à la contre-offensive, déposant plainte pour « dénonciation calomnieuse » et évoquant une demande d'indemnités de compensation « à la hauteur de l'épouvantable préjudice subi ». Si de telles indemnités sont négociées et acceptées par le groupe, celui-ci n'aura aucun problème pour les payer, en y consacrant une infime partie de ses trois milliards et demi d'euros de bénéfices de 2010, ou même de ses 12,8 milliards de « réserve de liquidités » ; quitte à prendre, au besoin, sur les comptes personnels du PDG ou du numéro deux.

En tout cas, parmi les employés, techniciens et ingénieurs du Technocentre de Guyancourt et les ouvriers des usines de fabrication, certains protestent par avance contre une éventuelle imputation de ces compensations financières sur la masse salariale : l'augmentation générale des salaires généreusement accordée par Renault à tous ceux qui lui fabriquent ses milliards est pour cette année de 1,7 %. Elle ne couvre même pas la hausse des prix, surtout arrivant après une augmentation symbolique de 0,7 % en 2010 et rien du tout en 2009 !

Par ailleurs, la mésaventure vécue par les trois hauts cadres licenciés sans preuve n'a pas dû peiner grand monde parmi les dizaines de milliers de travailleurs de Renault. Il n'est pas rare que l'un d'entre eux soit convoqué, mis à pied sans salaire puis licencié sans indemnités pour faute lourde, sous prétexte par exemple d'altercation avec un chef d'atelier : la chose s'est encore produite récemment à l'usine de Flins, un travailleur ayant estimé qu'il n'avait pas à se laisser traiter comme un gamin en faute par un chef mal embouché. Mais en pareil cas il n'y a pas de journalistes présents, pas d'enquête ni de campagne pour le défendre, pas de grosses indemnités à la clé.

Alors, ce n'est pas seulement les trois cadres, c'est tous les ouvriers victimes de licenciements abusifs qu'il faut réintégrer.

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