Côte d'Ivoire : La population face à la montée de l'ethnisme et de la xénophobie09/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/03/une-2223.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Dans le monde

Côte d'Ivoire : La population face à la montée de l'ethnisme et de la xénophobie

En Côte d'Ivoire, les affrontements entre les partisans du président sortant Laurent Gbagbo et ceux d'Alassane Ouattara, donné vainqueur aux dernières élections présidentielles, sont en train de tourner au bain de sang entre communautés, notamment dans Abidjan et sa banlieue. Quant aux Forces de défense et de sécurité gouvernementales, elles n'hésitent pas à tirer sur les rassemblements ou sur les manifestations de femmes qui se tiennent un peu partout, faisant de nombreuses victimes.

Sur cette situation de plus en plus dramatique, et les problèmes qu'elle pose à la population, nous livrons quelques témoignages de nos camarades de l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes

« SI TU NE CONNAIS PAS LE QUARTIER, C'EST QUE TU ES REBELLE »

* Un taximan Dioula qui m'a conduit au boulot ce matin, avant le massacre des femmes à Abobo (commune située au nord d'Abidjan, où Ouattara compte de nombreux partisans), m'a dit : « J'habite à Yapougon (autre commune de l'agglomération d'Abidjan), mais je ne me sens pas du tout en sécurité là-bas. Je dis ce que j'ai vu de mes propres yeux, dans mon quartier. Ils ont mis de l'essence sur la tête de deux personnes et y ont mis le feu. Est-ce que ça, c'est l'homme ? (...) L'une des deux personnes n'avait fait que demander son chemin. Les jeunes ont dit : Si tu ne connais pas le quartier, c'est que tu es rebelle. La deuxième personne, un tireur de pousse-pousse, avait un grigri attaché sur son bras, mais qui n'a pas de grigri ? Est-ce qu'on est pour autant un rebelle ? Ce que je crains maintenant, c'est un retour de bâton au cas où le camp Ouattara l'emporte. Je pense que là où on est maintenant, il y aura trop de morts. Les gens voudront se venger de toute la haine qu'ils ont subie. »

* J'en ai bavé avant de trouver un véhicule pour me rendre à Abobo. Les Dioula (ethnie de Ouattara) ont pris tout le coin et ont érigé des barricades partout. Ils te disent « Salamalékoum ». Si tu ne sais pas répondre, tu passes de l'autre côté. Ils ont des machettes et n'hésitent pas à en user. Dans tous les cas, ils te demandent de présenter ta pièce d'identité et le racket est de règle. Deux fois, ils m'ont pris mon portable, deux fois j'ai été obligé de négocier pour le racheter.

* Un cadre Abéy, ethnie d'Agboville, a été tué par un Burkinabé. En représailles, les Abéy ont immolé un responsable de la communauté burkinabée.

* Affrontements à Koumassi : les partisans de Gbagbo sont allés demander du renfort au camp commando (gendarmes) de la ville. Ces derniers ont refusé d'intervenir. Il semblerait qu'à l'entrée du camp ils ont érigé un drapeau blanc, pour signifier leur neutralité. Il paraît qu'il en est de même pour le camp commando d'Abobo.

BATONS, MACHETTES ET CHAINES

* Depuis trois jours, il est impossible de faire 200 mètres dans certains quartiers sans traverser des barrages de jeunes sans travail, de partisans de Gbagbo, où les véhicules subissent une fouille en règle. Ils sont armés de bâtons, de machettes, de chaînes, etc. Ils n'hésitent pas à demander de l'argent « pour acheter de l'eau à boire ». Imaginez la circulation aux heures de pointe ! Les flics ne sont pas gênés pour dresser, eux aussi, leurs barrages pour racketter.

* Yapougon Sicogi est un bastion du pouvoir en place. Pour rentrer dans le quartier, ma cousine doit traverser treize barrages qui sont distants d'à peine 100 mètres, c'est dire que ceux du barrage suivant voient très bien que tu as déjà été contrôlé. Mais ce sont à chaque fois des fouilles, aussi bien du véhicule que des pièces d'identité. Et à quelques-uns, il faut donner de l'argent.

* De jour comme de nuit, on entend des rafales de Kalachnikov, ainsi que des détonations d'armes lourdes. (...) Des dizaines de milliers de gens fuient la commune d'Abobo. (...) Dans cette atmosphère d'exode massif, les véhicules de transport qui assurent encore la ligne sont insuffisants. Le prix a aussitôt grimpé, passant de 200 à 500 francs CFA. La grande majorité est à pied.

DES VAGUES DE GENS SUR LES ROUTES

* Les vagues de gens qui déménagent ne finissent pas. Mais maintenant qu'il y a des affrontements dans les autres quartiers, beaucoup regrettent d'avoir quitté leur maison. C'est insoutenable et révoltant de voir toutes ces familles en train de marcher le long de la route. Les bagages sur la tête, les enfants qu'on traîne, et la fatigue. (...) J'ai aussi apprécié la solidarité : tout au long de la route, des familles ont mis des bassines d'eau où les marcheurs peuvent se désaltérer, et certains leur servent de l'eau.

* En attendant, tous les prix augmentent. La petite bouteille de gaz qui était vendue 1 800 francs CFA se vend 3 000 francs, celle de 12 kilos vendue 4 000 F se vend 6 500 F ou quelquefois 7 000 F, selon les quartiers. Le kilo de sucre est à 1 200 F au lieu de 500, le litre d'huile se vend 1 200 F, au lieu de 800 F. C'est la même augmentation pour un tas de tomates, d'oignons, de piments ou d'aubergines. Ne parlons même plus du poisson et de la viande. Si avant la crise post-électorale certains ménages n'avaient qu'un repas par jour, aujourd'hui, ce seul repas est devenu un luxe.

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