Juppé, ou l'art d'accommoder les restes04/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/03/une-2222.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

Leur société

Juppé, ou l'art d'accommoder les restes

Sans entrer dans les considérations plus ou moins fumeuses des politologues, qui débattent doctement pour savoir si le choix de Juppé par Sarkozy se traduira par l'émergence d'un Premier ministre-bis, étant parvenu à imposer son indépendance face à l'omniprésence élyséenne, il est indéniable que Juppé n'est pas un perdreau de l'année ! Fidèle de Jacques Chirac (qui l'avait qualifié de « le meilleur d'entre nous »), il a commencé sa carrière de ministre avec Balladur, en 1986.

Juppé a déjà occupé le poste de ministre des Affaires étrangères lors de la deuxième cohabitation entre la droite et la gauche, de mars 1993 à mai 1995. À ce titre, aux côtés de Mitterrand, alors chef de l'État, et de Balladur, chef du gouvernement, il fut l'un des principaux responsables de l'appui fourni par la France à la dictature de Habyarimana au Rwanda et de Mobutu au Congo, puis en 1994 de l'intervention militaire française Turquoise au Rwanda, alors en proie à un véritable génocide.

Mais Juppé a surtout laissé le souvenir de celui qui fut à l'origine des événements sociaux de 1995. Lorsqu'en mai 1995, Jacques Chirac fut élu président de la République, Juppé cumula les fonctions de président du RPR (l'UMP de l'époque) et de Premier ministre. Il lança alors un grand projet de réforme de la Sécurité sociale, dont une réforme des retraites des régimes spéciaux visant à généraliser au secteur public les mesures Balladur de 1993. Son plan déclencha la colère des cheminots, qui paralysèrent la SNCF deux mois durant, en novembre et décembre 1995, et le contraignirent à remballer son projet. Même si la hausse de la CSG et la création de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) furent, entre autres mesures, maintenues, l'abandon de la réforme des retraites pour le secteur public fut ressenti dans tout le pays comme une importante victoire.

Une image lui colle à la peau, celle d'un ministre « droit dans ses bottes » obligé de s'incliner devant une mobilisation ouvrière, avant de devoir partir se refaire une virginité politique en enseignant un an dans une université au Québec. Pas un commentateur politique n'avait alors parié un secrétariat d'État aux choux farcis sur lui.

C'est pourquoi les louanges dont ces mêmes commentateurs le couvrent aujourd'hui illustrent surtout l'effritement de Sarkozy. Mais s'il n'y a que Juppé pour le réhausser...

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