« Nul devoir ne s'impose aux riches, L'impôt saigne le malheureux » (L'Internationale)26/01/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/01/une-2217.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

Editorial

« Nul devoir ne s'impose aux riches, L'impôt saigne le malheureux » (L'Internationale)

On nous répète à longueur de journée qu'il faut se serrer les coudes, que la période est difficile et que tout le monde est logé à la même enseigne !

À la même enseigne ? C'est vite dit ! Des travaux récemment rendus publics par des économistes dont personne ne conteste ni le sérieux ni la compétence montrent le contraire. Ils constatent en effet que les très riches payent nettement moins d'impôts que les plus pauvres. Ceux qui gagnent plus de 69 000 euros par mois - et pour certains beaucoup plus - ne représentent que 0,1 % de la population et ne payent que 35 % d'impôts en moyenne, tous impôts confondus (sur le revenu, TVA, CSG, etc.), alors que tous les autres payent, toujours en moyenne, 45 % de leurs revenus.

Ces chiffres ne constituent pas vraiment une surprise. Personne en France ne peut nier les inégalités devant l'impôt. Ces pourcentages en donnent la mesure. Quand Sarkozy explique qu'il n'est pas question pour lui d'augmenter les impôts, c'est une façon de dire aux riches : « Ne vous en faites pas, même si on procède à une réforme fiscale, cela ne changera rien pour vous ». D'ailleurs, la première mesure envisagée, et c'est tout un symbole, est la suppression de l'impôt sur la fortune, qui profitera essentiellement aux nantis.

Cette inégalité de traitement entre les plus riches et les pauvres ou, pour dire les choses autrement, entre ceux qui tirent profit de l'exploitation et ceux qui subissent, date de très longtemps. Mais elle est encore plus révoltante en cette période de crise. On a pu voir, ces derniers temps, quelques aspects du comportement des exploiteurs. L'affaire Bettencourt ou l'affaire Servier et, il y a quelques jours, l'affaire Jean-Marie Messier ont montré que ces gens-là se comportaient comme des voyous, entre eux mais surtout vis-à-vis de la collectivité. Ce ne sont pas, comme on voudrait nous le faire croire, quelques brebis galeuses égarées dans un troupeau de capitalistes soucieux de l'intérêt commun. Ce sont les façons d'agir de tous les capitalistes, qui n'ont qu'une chose en tête, conserver leurs privilèges et en conquérir de nouveaux, par n'importe quels moyens, fussent-ils les pires.

Sarkozy et les siens justifient les privilèges fiscaux qu'ils accordent aux riches en expliquant qu'il ne faut pas les faire fuir à l'étranger, eux et surtout leurs capitaux. Quel bobard ! Quels que soient les avantages qu'on leur donne, ils font ce qu'ils veulent de leurs capitaux, en les plaçant là où cela leur rapporte le plus, essentiellement dans la spéculation, c'est-à-dire de la façon la plus stérile et la plus nocive qui soit. Ou encore en les dérobant au contrôle de tous, entre autres de celui du fisc, pour les déposer dans des paradis fiscaux.

Quant à nous faire croire que ces gens-là sont indispensables, c'est un autre bobard. Utile, cette madame Bettencourt ? Que fait-elle d'autre, sinon amasser depuis des années des milliards qu'elle distribue à ses proches comme on distribue des dragées à la sortie d'un baptême ? Utile, ce Servier qui fabriquait un médicament qui s'est révélé un poison mortel ? Utiles ces banquiers-spéculateurs qui ont mené l'économie au bord de la catastrophe et qui continuent de plus belle avec les milliards que les États mettent à leur disposition ? Non, ces gens-là sont des parasites, socialement nuisibles.

L'urgence n'est pas de les amadouer, de leur présenter une carotte que ces rassasiés de la fortune acceptent sans se laisser apprivoiser. L'urgence n'est pas de leur accorder de nouvelles subventions ou privilèges fiscaux.

L'urgence, c'est que la population laborieuse, les travailleurs les empêchent de nuire en les mettant sous contrôle, en vérifiant leurs comptes en banque, leurs carnets de commandes, et y compris leurs projets.

C'est une idée logique, nous diront certains, mais utopique, car ni l'État ni les possédants ne se laisseront faire. Les images qui nous viennent de Tunisie ces jours derniers montrent que ce qui paraissait irrémédiablement bloqué par une féroce dictature peut s'effondrer sous les coups de boutoir des classes populaires et des travailleurs. Et que ce qui apparaissait comme impossible peut devenir réalité en quelques jours.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 24 janvier

Partager