Martinique : Ghislaine Joachim-Arnaud face à la justice coloniale22/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2212.gif.445x577_q85_box-0%2C7%2C174%2C233_crop_detail.png

Dans le monde

Martinique : Ghislaine Joachim-Arnaud face à la justice coloniale

Le 15 décembre 2010 la justice coloniale française voulait faire le procès de Ghislaine Joachim Arnaud, secrétaire générale de la CGTM, dirigeante de Combat Ouvrier et membre de la direction du K5F (collectif qui dirigea la grève de février 2009 en Martinique). La plainte portait sur le fait qu'elle avait écrit en créole sur le livre d'or d'une émission télévisée : « Matinik sé ta nou, An bann béké, profitè, volé ! Nou ke foute yo dewò. Konba ta-la fok y kontnye » (La Martinique est à nous, Une bande de békés profiteurs et voleurs, Nous allons les foutre dehors. Ce combat-là doit continuer).

Lors du procès, ce sont les gros possédants, békés et autres, et tout leur système qui furent mis en accusation par Ghislaine Joachim-Arnaud, par ses avocats, ainsi que par le millier de personnes mobilisées et tous ceux qui avaient apporté leur soutien lors de la campagne d'information.

Dès 7 h 30 le matin, plusieurs centaines de militants, sympathisants, travailleurs, jeunes, retraités, se sont rassemblés à la Maison des syndicats de Fort-de-France. Peu après, ils partirent en manifestation en direction du tribunal, et tous reprenaient les chants de la grève de février 2009, en particulier « Matinik sé ta nou... » Devant le tribunal, près d'un millier de personnes se trouvaient alors massées sur le parvis, face à un important dispositif policier.

À la barre, Ghislaine Joachim-Arnaud lut sa déclaration expliquant notamment que ce procès était « le prolongement sur le plan judiciaire du conflit social de 2009 ». Après avoir affirmé que la plainte déposée par Jean-François Hayot au nom de l'association Respect DOM était « fallacieuse », ce fut l'occasion pour elle de faire un véritable réquisitoire contre le véritable racisme, celui des gros possédants, békés et autres, contre la discrimination et la violence subies quotidiennement par les travailleurs, les jeunes, les retraités, condamnés à vivre avec les miettes laissées par les possédants, soutenus par un État à leur service. Elle cita en exemple la situation des jeunes travailleurs de Mr Bricolage, en grève depuis plus d'un mois contre le mépris et la rapacité du gros possédant béké Bernard Hayot. Et elle ajouta : « Oui, c'est parfaitement scandaleux que ceux qui se trouvent dans le camp des dominants accusent de racisme ceux qui se rebellent, qui n'acceptent pas. Pour eux, un bon salarié, c'est un salarié qui ne fait jamais grève. Mais ça aussi, ça change. » Sur le terme béké, elle expliqua qu'historiquement, en Martinique, il désigne les exploitants. « Il n'y a pas de race, pas d'ethnie béké, mais c'est la position sociale que nous désignons. »

Dans leurs déclarations, les témoins, pour la majorité des travailleurs, tous appelés par la défense, dirent avec leurs mots simples, dignes et convaincants et aussi leur expérience, ce que représente pour eux, « faire le travail du béké », même si celui-ci est noir de peau, mais encore quel pouvait être le sens de « fouté yo dewo » en créole, ou bien encore ils témoignaient sur le sens de l'engagement de Ghislaine Joachim-Arnaud, de leur travail à ses côtés et aussi de son combat internationaliste. Le représentant de la CGT pour sa part déclara à la présidente du tribunal : « Accuser Ghislaine Joachim-Arnaud de racisme c'est - et, femme de loi vous savez ce que ça veut dire - comme prétendre que M. Badinter est un coupeur de tête. ».

En définitive, plus l'audience avançait plus chacun était fier de la porte-parole du mouvement de février 2009. Et le lendemain du procès, c'est le journal France Antilles, habituellement proche des possédants, qui soulignait dans son article : « Les débats... ont constitué une tribune contre les capitalistes ».

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