Grande-Bretagne : Face à la comédie parlementaire et aux brutalités policières, le mouvement des jeunes continue15/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2211.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C172%2C231_crop_detail.png

Dans le monde

Grande-Bretagne : Face à la comédie parlementaire et aux brutalités policières, le mouvement des jeunes continue

Le 9 décembre, la Chambre des communes britannique a adopté le triplement des frais de scolarité universitaires, ignorant ainsi ostensiblement le mouvement de colère que l'annonce de cette mesure avait déclenché, il y a quatre semaines, parmi les étudiants puis les lycéens.

Le vote de cette loi ne se sera néanmoins pas fait sans mal, puisqu'il aura entraîné la démission de deux sous-ministres libéraux-démocrates et réduit la majorité de la coalition au pouvoir. Plus de la moitié des députés libéraux-démocrates lui ont refusé leur soutien, dont le président et le vice-président de ce parti. Jusqu'à ce jour, celui-ci avait toujours fait de l'enseignement gratuit pour tous un de ses principaux thèmes politiques, y compris contre les précédents gouvernements travaillistes. Enfin, il s'est même trouvé une poignée de députés conservateurs pour voter contre ou s'abstenir.

Mais il est vrai que ces « rebelles » savaient qu'ils ne prenaient ainsi aucun risque, et surtout pas celui d'infliger au gouvernement une défaite qui, dans le contexte actuel, aurait pu avoir des conséquences très gênantes pour sa politique d'austérité.

Car au moment même où les parlementaires débattaient de cette mesure aux Communes, des milliers de jeunes étudiants et lycéens tentaient d'imposer leur présence dans le quartier alentour face à une police omniprésente, lourdement équipée et d'autant plus brutale qu'elle se trouvait souvent en porte-à-faux face à la mobilité des jeunes. Ce qui permit à ceux-ci de s'en prendre entre autres au Cénotaphe, monument aux morts officiel des boucheries de 14-18 et de 39-45, et plus récemment des guerres d'Irak et d'Afghanistan, ainsi qu'au ministère des Finances.

Ainsi différents groupes mobiles et fluctuants de plusieurs milliers de jeunes chacun ont sillonné un vaste secteur au centre de Londres. Les escarmouches et parfois les affrontements se sont étalés de midi à minuit environ.

Le souvenir de l'annulation de la poll tax de Thatcher sous la pression de la rue, en 1990, est là pour rappeler aux manifestants qu'un vote du Parlement peut être remis en cause. Pour tous, le mouvement continue donc.

Mais les jours suivants, ce n'est ni sur l'importance de la mobilisation ni, bien sûr, sur les brutalités policières que les journaux ont titré. Non seulement ils publièrent 14 photos de jeunes « recherchés aux fins d'interrogatoire » par la police, mais ils firent leur une avec une photo des visages effarés du prince Charles et de sa femme Camilla, qui s'étaient rendus à un concert en traversant la zone des manifestations dans leur Rolls de tous les jours. Mal leur en prit, évidemment ! Mais ces inutiles royaux s'en tirèrent sans même une égratignure et la tentative des médias d'en faire des « victimes » de la colère des manifestants fit long feu.

D'autant plus que commençaient à circuler des témoignages et des vidéos. Parmi les plus choquants, il y eut cet ambulancier qui, amenant un lycéen victime d'une hémorragie cérébrale aux urgences de l'hôpital le plus proche, se vit répondre que celui-ci avait été « réservé pour la police ». Ou encore cette vidéo où l'on voit un manifestant paraplégique arraché de son fauteuil par quatre policiers, avant d'être jeté à terre, frappé à coups de matraque et finalement traîné sur le sol par les épaules hors du champ de vision. Diffusés via Internet, ces témoignages avaient déjà eu un large écho, au point que la BBC, d'ordinaire adepte du black-out total sur ce qui peut gêner en haut lieu, ne put éviter de les rediffuser.

Par la suite, lors de la manifestation du 13 décembre essentiellement lycéenne (les universités étaient maintenant fermées) organisée au centre de Londres, la police n'était guère présente. Il semble donc que, se sentant en position délicate, le gouvernement ait choisi de garder profil bas, en attendant les vacances scolaires. Mais cela ne l'empêche pas d'annoncer le recours aux canons à eau contre de futures manifestations, chose jusqu'ici réservée à l'Irlande du Nord, où ils ont d'ailleurs fait de très nombreux blessés.

Si le mouvement de protestation reprend en janvier, ce qu'on ne peut que souhaiter, les jeunes sont donc désormais prévenus. Ils sont face à un gouvernement qui ne peut pas vraiment reculer sans risquer de remettre en cause toute sa politique d'austérité. Il leur faudra donc trouver des forces, et surtout des alliés au sein du reste de la population, en particulier les travailleurs, eux aussi directement visés par les attaques gouvernementales.

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