Après l'incendie du foyer Adoma de Dijon : La misère est toujours là24/11/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/11/une-2208.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C240%2C323_crop_detail.png

Leur société

Après l'incendie du foyer Adoma de Dijon : La misère est toujours là

Près de deux semaines après l'incendie du foyer Adoma (ex-Sonacotra) de la Fontaine d'Ouche à Dijon, 126 personnes ont été relogées, près de 60 restent à reloger, dont 28 sont encore hospitalisées, 7 dans un état grave, tandis que 24 étaient à l'étranger au moment de l'incendie et que 7 personnes ne se sont pas présentées aux services sociaux.

Ce foyer, construit dans les années 1970, comptait 192 chambres. Il accueillait des travailleurs migrants dont beaucoup étaient là depuis sa création, entre trente-cinq et quarante ans, et y étaient restés après leur retraite, ainsi que des personnes en situation de précarité. Les relations entre ces travailleurs de toutes nationalités étaient très fraternelles et presque familiales, ils se connaissaient et s'entraidaient depuis des décennies et se sentaient là chez eux.

Aujourd'hui, ils sont dispersés dans d'autres foyers Adoma ou encore dans les foyers Abrioux et Viardot de la ville de Dijon. Même si les résidents de ces foyers les ont accueillis chaleureusement autour d'un repas qu'ils avaient confectionné pour eux, certains retraités, âgés, sont en état de choc et ne retrouvent plus leurs repères, comme ce retraité de 80 ans, désespéré, qu'il a fallu renvoyer dans ce qu'il lui restait de famille au Maroc.

Pour les demandeurs d'asile (80 places leur étaient réservées dans ce foyer), la situation est plus dramatique encore. Certains sont relogés dans d'autres foyers Adoma de Dijon, mais beaucoup ont été envoyés dans des foyers à Chalon-sur-Saône, Digoin et même à Mulhouse. Ils ont déjà vécu des situations traumatisantes en quittant leur pays et ils doivent de nouveau quitter une ville dans une situation d'urgence pour se réadapter à une autre. Sans compter le temps qu'il leur faudra pour déposer ou faire transférer leur dossier à une autre préfecture, changer leurs papiers. Certains ont perdu dans l'incendie tous leurs papiers, dont des documents qu'ils ne pourront jamais récupérer dans leur pays d'origine.

Quant à ce foyer, un des bâtiments les plus grands de la Fontaine d'Ouche, qui avait été rénové il y a quatre ans, l'enquête a paraît-il prouvé qu'il était aux normes. Mais combien savaient que, derrière ces murs repeints, des familles entières de demandeurs d'asile s'entassaient dans des chambres de quelques mètres carrés ? Combien de misère humaine était cantonnée dans cet immeuble de neuf étages ? Et ce n'était certainement pas un des pires de ces lieux où on parque les migrants, les déclassés, les précaires et les demandeurs d'asile.

En marge, les deux présumés coupables de l'incendie l'étaient, eux aussi. 19 ans et 21 ans et autant d'années de galère : désocialisés, passant de foyer en centres médicaux-psychologiques et en hôpitaux psychiatriques, dormant dans la rue, sans nouvelles de leurs parents depuis des années, l'un d'eux était hébergé dans ce foyer.

Les secours se sont montrés efficaces au moment de la lutte contre l'incendie. Mais il n'en est plus de même une fois celui-ci passé.

Aujourd'hui, si la plupart des personnes sont relogées, elles le sont dans des conditions pires qu'auparavant, en ayant tout perdu et avec comme seul avenir de devoir régler toutes les difficultés supplémentaires dues à l'incendie, seules et dispersées face à leurs problèmes.

« Qui a brûlé la maison du Pauvre ? » proclamait cette pancarte tenu par un manifestant devant ce qui reste du foyer. En effet, c'était la maison du Pauvre, de pauvres qu'on cantonne aux marges de la société, en marge même de ce quartier populaire qu'est la Fontaine d'Ouche.

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