Pauvres, jeunes en difficultés, foyers : Le nouveau marché des sociétés de surveillance01/09/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/09/une2196.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pauvres, jeunes en difficultés, foyers : Le nouveau marché des sociétés de surveillance

Dans les Centres d'hébergement et de réinsertion sociale accueillant des personnes sans domicile ou dans les foyers prenant en charge des mineurs placés par la justice et en grande difficulté, la présence la nuit était jusque-là assurée par des éducateurs ou des veilleurs de nuit. Depuis quelques mois, le projet de recourir à des sociétés de surveillance, et donc à des agents de sécurité, est annoncé par différentes directions d'associations à caractère social. Il est déjà expérimenté en Seine-Saint-Denis dans un foyer de la Protection judiciaire de la jeunesse.

Les objectifs évoqués sont différents d'un site à l'autre. En Seine-Saint-Denis, il s'agit soi-disant de lutter contre l'épuisement policier dû à de très nombreux appels en provenance des foyers et des centres d'hébergement, et ainsi de soulager des professionnels dépassés par un sentiment d'insécurité. Il est utile de préciser que les éducateurs ou veilleurs de nuit travaillent le plus souvent seuls des nuits entières, prenant en charge des groupes de jeunes ou de personnes très en difficulté.

À Strasbourg, il s'agit de résoudre ainsi des problèmes de gestion du personnel et d'arrêts maladie. Les veilleurs de nuit travaillant également seuls dans des foyers pouvant accueillir trente à quarante personnes, c'est leur état de santé et de fatigue qui témoigne de conditions de travail lamentables.

Le recours aux sociétés de surveillance se concrétise donc désormais par des expérimentations sur tout le territoire. Il s'inscrit dans une réflexion sécuritaire visant à disqualifier les personnels éducatifs et à stigmatiser un peu plus des jeunes ou adultes n'en ayant vraiment pas besoin.

De plus, il s'agit également de rendre plus difficiles des revendications collectives entre collègues n'ayant plus les mêmes conditions de travail, les mêmes employeurs et les mêmes droits. C'est un mode de management depuis longtemps connu des travailleurs du secteur de l'industrie ou d'autres encore ; c'est une nouveauté pour le secteur social.

Il y aurait pourtant bien d'autres solutions, à commencer par l'embauche de professionnels formés, veilleurs de nuit ou éducateurs, afin de permettre un travail en doublure et ainsi de sécuriser les postes de travail. Mais les directions des associations évoquent sans cesse des budgets en baisse, situation aggravée avec la crise économique.

Toutefois, cette tendance n'est pas sans déclencher la colère des professionnels du secteur social, qui multiplient tracts et pétitions. À Strasbourg, la situation est tendue et un mouvement de grève est évoqué, dans un secteur peu coutumier de ce type de mobilisation et sans cesse culpabilisé entre les besoins des publics accueillis et des conditions de travail s'aggravant année après année (travail en sous-effectif, non-remplacement des postes durant les congés, embauche de plus en plus fréquente en CDD).

Le recours à des agents de sécurité en situation précaire et non formés n'est certainement pas la solution à la violence exprimée par les jeunes et les adultes accueillis dans ce type de foyer et dont les premiers besoins restent l'emploi, la formation et l'accès aux soins.

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