Italie - Fiat : Un patron maître-chanteur et multirécidiviste28/07/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/07/une2191.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie - Fiat : Un patron maître-chanteur et multirécidiviste

Après avoir imposé un accord digne de l'extorsion de fonds aux travailleurs de l'une de ses usines, le patron de Fiat remet ça et annonce que le prochain Monospace de la marque sera produit en Serbie et non à Turin.

Le 22 juin dernier, les 5 000 travailleurs de l'usine Fiat de Pomigliano d'Arco, dans la banlieue de Naples, avaient dû s'exprimer par référendum sur le projet de Sergio Marchionne, le PDG de Fiat-Auto. Celui-ci tenait du chantage pur et simple en proposant de rapatrier la production des Panda de Pologne à l'usine de Pomigliano, au chômage depuis un an et demi, à condition que les travailleurs acceptent des conditions de travail aggravées, des clauses permettant le non-paiement des indemnités de maladie en cas d'absentéisme trop élevé et une quasi-suppression du droit de grève !

Sous prétexte qu'il favorise l'emploi dans le sud de l'Italie, cet accord était soutenu par l'ensemble des forces politiques et des confédérations syndicales ! Un comble lorsqu'on pense qu'au même moment, Fiat annonçait la fermeture définitive d'une autre usine du groupe, située près de Palerme, en Sicile. Seule la Fiom, la fédération de la métallurgie du syndicat CGIL, le principal syndicat italien, et le petit syndicat indépendant Slai-Cobas s'étaient déclarés opposés à l'accord.

Malgré toutes les pressions et le consensus des politiciens, le référendum avait recueilli 36 % de « non » et moins de 60 % de « oui » parmi les travailleurs de Pomigliano. Marchionne n'a sans doute pas digéré que les travailleurs ne cèdent pas au chantage et que des mouvements de grève et de protestation aient lieu. En l'espace de deux jours, les 13 et 14 juillet, quatre travailleurs ont été licenciés. Un employé syndicaliste de l'usine de Turin, accusé « d'utilisation illégitime de la messagerie intranet de l'entreprise », dont il s'était servi pour diffuser le message de travailleurs de Fiat en Pologne et trois ouvriers de Fiat Melfi, autre usine de l'Italie du Sud, accusés d'avoir bloqué un robot sur une chaîne de montage pendant une grève.

NOUVEAU RACKET...

Le 22 juillet, un mois après le chantage contre les travailleurs de Pomigliano, la direction de Fiat est de nouveau au centre de toutes les attentions. Cette fois-ci, Sergio Marchionne a annoncé : « Nous produirons le prochain Monospace en Serbie. Si les syndicats avaient été plus sérieux, nous l'aurions fait à Mirafiori ». La direction de Fiat avait en effet promis en avril dernier de fabriquer le nouveau véhicule à Mirafiori - l'usine « historique » de Turin - où la production du Multipla et d'autres modèles du même genre doit s'arrêter définitivement début 2012. Dans une interview donnée au quotidien La Repubblica le 22 juillet, Marchionne justifie la décision de Fiat : « En Italie, nous devons pouvoir produire des voitures sans risquer des interruptions de notre activité. À Pomigliano, nous avons décidé d'aller de l'avant et nous le ferons avec les syndicats qui ont choisi de partager la responsabilité de faire en sorte que l'usine soit dirigeable. Nous déciderons usine par usine mais surtout, nous devons convaincre les syndicats de la nécessité de moderniser les rapports industriels en Italie ».

Le message ne pourrait pas être plus clair : la direction de Fiat est bien décidée à imposer ses conditions aux travailleurs et à s'affranchir du peu de contraintes qui peuvent peser sur le patronat. Le fait qu'il se trouve des travailleurs pour s'opposer à ce retour vers le XIXe siècle n'est pas tolérable pour elle !

LE PATRON ABOIE... LES POLITICIENS BELENT

À peine Marchionne a-t-il exprimé ses menaces que les politiciens se sont relayés pour abonder dans le sens du patron de Fiat. Berlusconi a offert immédiatement à Fiat de voir ce qui pouvait être fait en matière d'aides et de subventions.

Quant au président de la région Piémont, passé à la Ligue du Nord aux dernières élections, il a pu illustrer toute la crasse des idées de ce parti d'extrême droite régionaliste en réclamant le « fédéralisme fiscal », pour que l'argent des impôts du Nord « industrieux et travailleur » serve à sauver Mirafiori et pas les usines du Sud...

Mais les autres ne sont pas en reste. À droite, bien sûr, mais à gauche aussi : le maire de Turin, Sergio Chiamparino, dirigeant du Parti Démocratique (équivalent du PS français) renchérit : « Le fait est que nous pensons encore comme dans les années soixante-dix. Nous nous sommes arrêtés à cette époque et à ce monde. Et pas seulement le syndicat Fiom, mais toute la politique italienne, à droite comme à gauche ».

On le voit, les travailleurs n'ont rien à attendre de ces politiciens, tous dans le camp du patronat en Italie.

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