Grande-Bretagne : Les conservateurs dans la continuité des travaillistes02/06/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/06/une2183.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Les conservateurs dans la continuité des travaillistes

Il aura fallu moins de trois semaines pour que soient annoncées les premières mesures d'austérité de la coalition (conservateurs et libéraux-démocrates) portée au pouvoir par la défaite travailliste du 6 mai, et qu'y apparaissent en même temps les premières lézardes.

Car nombre de dignitaires conservateurs n'ont pas digéré d'avoir été privés des maroquins qu'ils convoitaient au profit des libéraux-démocrates. Il ne leur a pas fallu longtemps pour lancer une campagne de ragots par le biais de l'un de leurs organes officieux, le Daily Telegraph, provoquant la démission du secrétaire au Trésor libéral-démocrate. Et il n'est pas impossible que son successeur (du même parti) subisse le même sort.

Néanmoins, hormis le partage de la soupe qui les divise, aucun nuage ne trouble l'unanimité des partis de la coalition lorsqu'il s'agit de faire payer la crise à la population laborieuse, comme en témoignent les annonces qui se succèdent.

Un premier train d'économies de 7 milliards d'euros, annoncé le 24 mai, annule une série de programmes - allant de l'aide aux enfants en échec scolaire à l'exemption pour les affections chroniques de la contribution forfaitaire de huit euros par médicament payée par tous les patients. Ce plan réduit également de 1,5 milliard d'euros la dotation de l'État aux municipalités prévue pour cette année. Il supprime toute une série de plans d'informatisation (dont celui de la santé publique) et rogne encore un peu plus sur les budgets de maintenance et de renouvellement du matériel dans les transports (déjà très entamés par les travaillistes).

Mais il ne s'agissait que d'un début. Dès le lendemain, le « discours de la reine », dans lequel celle-ci annonce les projets législatifs du gouvernement, faisait la liste de 23 lois. Parmi celles-ci, on trouve pêle-mêle la semi-privatisation des écoles et lycées, généralisant les projets des travaillistes en les étendant aux écoles primaires ; une réforme des retraites avec le passage de l'âge de départ à 66 ans en 2016 (contre 2024 dans le projet travailliste) ; la privatisation de La Poste (à laquelle les travaillistes avaient renoncé faute d'acheteur) ; l'augmentation des cotisations sociales payées par les salariés (prévue par les travaillistes, mais l'augmentation est annulée pour les patrons !).

Mais surtout la pièce maîtresse semble devoir être une réforme du système d'allocations sociales, présenté comme une « subvention inefficace et coûteuse à la vie de la population », alors qu'il permet surtout au patronat de payer des salaires a minima et de n'embaucher des millions de salariés que pour des emplois occasionnels ou à temps très partiel. Les premiers visés seraient les 2,5 millions de travailleurs en invalidité et les travailleurs âgés que le niveau dérisoire de la retraite d'État rend dépendants des allocations sociales.

C'est donc aux enfants, aux plus pauvres et aux plus vulnérables, et enfin aux salariés que le gouvernement s'attaque avec cynisme, pour réduire le trou béant laissé dans les finances publiques par le sauvetage du système financier. Il est vrai qu'il s'agit là en grande partie de mesures que le précédent gouvernement travailliste avait déjà mises en chantier et dont l'entrée en vigueur serait simplement avancée. C'est donc l'austérité dans la continuité.

Mais des questions essentielles restent en suspens : combien d'emplois publics vont disparaître du fait de ces mesures, quel sera leur effet sur des services essentiels comme la santé, l'éducation ou les transports, et quel sera leur impact sur le niveau de vie des plus pauvres ?

Pour l'instant, le nouveau gouvernement s'est gardé de toute précision sur ce plan. Il est vrai que son souci est de prévenir tout mouvement spéculatif misant sur la baisse de la livre et la dette de l'État britannique. Mais il se pourrait aussi, et c'est sans doute le seul aspect dont on pourrait se réjouir dans ces annonces, qu'il craigne quand même les réactions de la classe ouvrière face à ces attaques. Après tout, il s'est trouvé des commentateurs pour rappeler qu'en 1932 ce fut l'annonce d'une diminution des allocations sociales qui déclencha de violentes émeutes au cours desquelles, chose rarissime dans l'histoire du pays, nombre de villes ouvrières se hérissèrent de barricades. L'époque a peut-être changé, mais la colère des travailleurs face à de telles injustices peut de nouveau exploser !

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