Petite histoire de la taxe carbone : Sarkozy annule une loi qu'il avait fait voter31/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2174.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Petite histoire de la taxe carbone : Sarkozy annule une loi qu'il avait fait voter

À en croire Sarkozy, la taxe carbone devait être la « grande réforme » de son quinquennat, « comparable à la décolonisation ou à l'abolition de la peine de mort », avait-il déclaré. Pourtant, six mois après avoir claironné cela, il reportait sa mise en place aux calendes grecques, s'inclinant devant le grand patronat français qui ne voulait pas entendre parler d'une quelconque taxe qui risquerait d'écorner ses profits.

Le motif officiel de cette reculade fut de dire que la taxe carbone aurait « plombé » la compétitivité des entreprises françaises face à la concurrence étrangère, puisqu'elle ne s'appliquait pas à toute l'Europe. Et si le projet n'est pas officiellement abandonné, il est remis après des discussions à l'échelle européenne.

Sarkozy avait émis l'idée d'instaurer une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre, dite taxe carbone, juste après les bons résultats obtenus par les écologistes aux élections européennes de 2009. Il fallait apparaître plus vert que vert avant les élections régionales de 2010. Il nomma alors l'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard à la tête d'un groupe d'experts chargés de l'élaborer. Il rendit son rapport en juillet 2009, Sarkozy y apporta des modifications et, fin 2009, la taxe carbone était votée par les deux Assemblées.

La taxe carbone était fixée au départ à 17 euros la tonne de CO2 émise, tant pour les particuliers que pour les entreprises, et concernait uniquement les énergies fossiles, pétrole, gaz et charbon. Mais dans la réalité, la population la moins riche était frappée de plein fouet par ce nouvel impôt, au travers de la note de chauffage ou de celle du carburant pour ceux qui sont obligés d'utiliser la voiture, faute de transports en commun, ne serait-ce que pour se rendre au travail. Les entreprises, elles, bénéficiaient de toutes sortes d'exonérations, et les plus polluantes en étaient même totalement exemptées, sous prétexte qu'elles étaient déjà soumises à un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, quotas pourtant attribués à titre gratuit, le régime des quotas payants n'entrant en vigueur qu'à partir de 2013, en s'étalant progressivement jusqu'en 2027 ! C'est ainsi que 1 018 sites industriels les plus polluants y échappaient, comprenant les centrales thermiques, les raffineries, les cimenteries, etc., ainsi que les transports aérien et routier de voyageurs. Bref, 93 % des émissions d'origine industrielle, hors carburants, n'auraient pas été taxées.

Cette différence de traitement était tellement choquante que le Conseil constitutionnel l'avait annulée le 29 décembre, deux jours avant son entrée en vigueur. Une nouvelle mouture fut alors préparée, Sarkozy n'étant pas « un homme qui renonce à la première difficulté », selon ses dires. Mais comme cette version plaisait encore moins au Medef que la précédente, Sarkozy s'inclina devant le patronat, cette fois-ci sans difficulté, et le 23 mars il gela la taxe carbone, avec d'autant moins de regrets que le nombre de voix recueillies par les listes écologistes aux élections régionales s'était un peu réduit par rapport aux élections européennes.

Ces péripéties autour de la taxe carbone ont au moins le mérite de montrer que ce n'est pas parce qu'une loi est votée qu'elle ne peut pas être remise en cause. Le jour où les travailleurs décideront de faire front face aux attaques de toutes parts dont ils sont victimes, ce seront bien d'autres lois qu'ils pourront faire sauter.

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