58 ans après l'assassinat de Ferhat Hached : Un crime du colonialisme français25/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2173.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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58 ans après l'assassinat de Ferhat Hached : Un crime du colonialisme français

La famille du syndicaliste nationaliste tunisien Ferhat Hached, assassiné en 1952, vient de porter plainte pour apologie de crime de guerre contre Antoine Médéro. Celui-ci, ancien policier français, est aussi un ancien membre de la Main rouge, association clandestine réunissant agents secrets et extrême droite, organisatrice de l'assassinat. Auteur d'une histoire de cette officine, Médéro a affirmé en décembre 2009 dans une émission consacrée à l'élimination de Hached : « Je la trouve légitime. Moi, si c'était à refaire, je referais. »

Ferhat Hached avait rompu avec la CGT en 1944, au moment où sa direction s'engageait à fond dans la « bataille de la production » et prenait la défense de l'empire colonial français. En 1946, il avait fondé l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) qui, en 1948, comptait 100 000 adhérents. Contre les revendications ouvrières et les grèves, les autorités coloniales n'hésitaient pas à faire tirer sur les manifestants, comme à Sfax en 1947, où trente grévistes furent tués. L'UGTT luttait contre la domination coloniale sur ce pays et Hached était politiquement proche de Bourguiba, le leader du parti nationaliste Néo Destour.

Fin 1951, UGTT et Néo Destour appelèrent à une grève générale de trois jours. La répression s'abattit. Les principaux dirigeants nationalistes furent arrêtés. Bourguiba fut emprisonné pendant deux ans avant d'être exilé. Fin janvier 1952, le ratissage du Cap Bon par l'armée coloniale française fit 200 morts. La Main rouge, formée de colons extrémistes encadrés par des policiers ou des membres des services secrets, organisa des attentats et des assassinats. Hached fut laissé en liberté, du fait de sa grande popularité, mais le 5 décembre 1952, il fut victime d'un attentat.

Ni la répression ni le terrorisme n'allaient venir à bout du mouvement nationaliste tunisien. Une guérilla s'était développée à partir de cette année 1952. C'est même à propos de la Tunisie que l'on parla pour la première fois de « fellaghas ». Après que les nationalistes algériens eurent déclenché l'insurrection de la Toussaint 1954, les dirigeants français choisirent de tenter de conserver de toute force l'Algérie, mais finirent par accorder l'indépendance au Maroc et à la Tunisie. Ils trouvèrent en Bourguiba un dirigeant disposé à s'entendre avec eux, et l'indépendance tunisienne fut proclamée le 20 mars 1956. En 1958, l'armée évacua la Tunisie, après y avoir engagé au total 250 000 hommes depuis 1952. Elle conserva cependant la base navale de Bizerte. Une tentative tunisienne de récupérer la base se heurtera en 1961 à une répression qui fit des centaines de morts, la plupart civils, parmi les Tunisiens. Bizerte ne fut finalement évacuée qu'en 1963.

Si la plainte de la famille Hached est acceptée, les tribunaux français devraient avoir à évoquer la répression colonialiste française en Tunisie. Mais même si une partie du voile se lève, il aura fallu 58 ans pour que la vérité soit, ne serait-ce que très partiellement, reconnue.

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