Renault Flins (Yvelines) La grève des travailleurs de Visteon : Le patron contraint de payer03/02/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/02/une2166.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Renault Flins (Yvelines) La grève des travailleurs de Visteon : Le patron contraint de payer

Depuis plusieurs mois, le sous-traitant de Renault, Visteon, équipementier qui se vante d'employer 49 000 salariés dans le monde, a l'intention de fermer son site avancé dans l'usine Renault de Flins. Ses 43 salariés y fabriquent des tableaux de bord, ou « planches », et des panneaux de portes pour la Clio III montées dans l'usine.

Suite à la baisse d'activité de Renault, Visteon Flins avait déjà supprimé plusieurs postes de son site de Flins. Celui-ci ne lui semblant plus assez rentable, il préfère maintenant délocaliser le restant de production vers son usine de Gondecourt, dans le Nord, et licencier tous ses salariés de Flins, sachant qu'aucun d'entre eux ne pourrait accepter un hypothétique reclassement à 300 kilomètres.

Le 27 janvier, alors que se déroulait la négociation du « plan social », les travailleurs de Visteon se sont rendu compte que leur direction préparait une solution de remplacement en cas... de grève sur le site de Flins. Heureusement, de leur côté, ils s'étaient depuis longtemps préparés à ce mauvais coup. Le soir même, constatant qu'on se moquait d'eux, les travailleurs de Visteon décidaient donc la grève et arrêtaient de fabriquer les planches de bord et les panneaux de portes.

La grève allait se poursuivre deux jours durant.

Dès le 27 au soir, dans l'atelier du Montage de Renault, à quelques centaines de mètres des grévistes, la chaîne s'arrêtait faute de pièces. Le lendemain matin, il n'était pas question qu'elle redémarre : au lieu de 375 voitures, cinq seulement purent sortir de chaîne dans la matinée ! La direction de Visteon, en accord avec celle du donneur d'ordre Renault, eut l'idée de mettre en place, à la va-vite, un atelier « sauvage » destiné à tenter de réorganiser l'arrivée des planches correspondant à chaque voiture. Mais la panique les gagna rapidement car, au fur et à mesure qu'arrivaient des pièces stockées des mois auparavant en prévision d'une telle situation, la désorganisation devenait totale : les camions ne livraient pas assez vite, les engins de manutentions n'étaient pas en règle, les caristes étaient dépourvus de vêtements de protection et les ouvriers intérimaires de gants de travail, etc.

De leur côté, les ouvriers de Renault, goguenards et solidaires des grévistes, entouraient le chantier destiné à briser la grève en huant les responsables qui s'escrimaient pour... rien. Les pressions exercées sur les travailleurs intérimaires embauchés par Visteon ne rencontrèrent pas plus de succès ; eux aussi se savaient prochainement au chômage et tenaient à se montrer solidaires de leurs camarades.

Au bout de deux jours, le chantier antigrève commençait à fonctionner tant bien que mal, ce qui ne signifiait pas pour autant que les rares Clio qui sortaient étaient vendables... Les dirigeants de Visteon durent se rendre à l'évidence et commencèrent à faire aux grévistes des propositions de plus en plus acceptables, à mesure que l'heure avançait et que la détermination durait.

En fin de compte, le 29 janvier au soir, les grévistes obtenaient de Visteon, au-delà d'une indemnité de 2 500 euros par année d'ancienneté, une prime supplémentaire dite de « diligence », uniforme pour tous, de 12 000 euros. Avec leurs dix ans d'ancienneté en moyenne, les salariés de Visteon licenciés partiraient donc avec environ 42 000 à 45 000 euros.

Cet engagement, s'il est loin de fournir un emploi dans l'avenir aux 43 travailleurs de Visteon et aux quinze intérimaires que le sous-traitant employait, est à juste titre ressenti comme un sucès par l'ensemble des travailleurs. Il reste maintenant à imposer à Renault l'embauche de tous les licenciés Visteon qui le souhaitent. Leur brève lutte a aussi démontré à tous que les emplois, c'est maintenant qu'il faut les défendre, et non se contenter de compter sur les hypothétiques résultats des hypothétiques ventes des futurs véhicules, comme la voiture électrique et la Clio IV.

Comme on l'entendait dire à l'atelier des Presses, où plusieurs centaines d'ouvriers emboutissent des pièces pour d'autres sites Renault, « quand on voit ce qu'ils ont été capables d'obtenir à 43, imagine un peu nous à 600... ». Alors, à 3 500... !

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