Renault : Un accord pour pousser les « seniors » dehors... à moindres frais23/12/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/12/une2160.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Renault : Un accord pour pousser les « seniors » dehors... à moindres frais

Sous peine de devoir verser 1 % de leur masse salariale en cotisation supplémentaire à la CNAV, les entreprises doivent conclure d'ici la fin de l'année des accords pour l'emploi des « seniors ». Tout le monde, ministres, patrons, journalistes, partenaires sociaux, fait mine de se réjouir de ce qu'il y aurait enfin des garanties pour que les salariés puissent rester au travail encore plus longtemps, alors que les travailleurs dans leur immense majorité, et pas seulement ceux qui ont les conditions de travail les plus pénibles, n'ont qu'un souhait : partir le plus tôt possible.

Sous prétexte de se mettre donc en conformité avec la loi sur l'emploi des salariés âgés, Renault vient de lancer une négociation avec les organisations syndicales sur « la dynamique des parcours tout au long de la vie professionnelle ».

Il n'en a pas fallu plus pour que les négociateurs patentés présentent cela comme, en quelque sorte, un plan de départs anticipés pour les plus âgés.

Si ce n'était que cela, on pourrait déjà dire que cet accord prévoit les conditions de départ les plus mauvaises qu'il y ait eu depuis longtemps. Mais c'est surtout passer allègrement sur le fait qu'il s'agit au passage d'avaliser une politique de maintien des « seniors » au travail.

Au cas où le titre même de l'accord ne serait pas assez explicite, il est écrit dans le préambule : « L'objectif primordial de la direction et des organisations syndicales signataires du présent accord est de doter l'entreprise des moyens nécessaires pour se préparer à travailler avec des salariés seniors en préservant leur engagement et en les maintenant à un haut niveau de compétences. »

La direction de Renault déclare vouloir embaucher des travailleurs de 50 ans et plus, mais c'est une déclaration de principe qu'il lui sera d'autant plus facile de contourner qu'elle n'embauche, surtout en ce moment, pas du tout. En revanche, qu'elle ait la volonté de faire partir les salariés les plus anciens quand elle y trouve son intérêt, quand ils ne sont plus suffisamment exploitables, il n'y a pas à en douter. Mais où le bât blesse, c'est quand il lui faut payer pour cela.

C'est pourquoi, depuis l'arrêt des plans de départs FNE puis CASA financés avant tout par les caisses de chômage et l'État, Renault a mis fin à tout dispositif général de départ anticipé, laissant la place au départ « négocié individuellement » sous forme de licenciement ou, en ce qui concerne l'année passée, sous forme d'un départ dans le cadre d'un plan de suppression d'emplois appelé PRV (Plan Renault Volontariat) qui ne concernait d'ailleurs pas, loin s'en faut, que les plus âgés.

La seule constante de tous les dispositifs de départ qui se sont succédé est que, d'année en année, les travailleurs sont partis de plus en plus tard et en touchant de moins en moins. L'accord dont il est aujourd'hui question ne déroge pas à la règle, il prévoit un temps partiel au plus tôt à 58 ans mais à condition de pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein au plus tard trois ans après l'entrée dans le dispositif.

L'exemple donné par la direction elle-même est éloquent : deux taux d'activité sont proposés sur les trois ans, 66 % ou 50 %. Il s'agit d'un taux moyen d'activité qui peut être réparti différemment. Ainsi, 66 % sur trois ans peut se traduire concrètement par travailler 80 % du temps sur deux ans et demi pour enfin partir six mois avant la retraite.

La direction prend certes en charge les cotisations sociales équivalant au salaire plein. Mais le salarié, lui, ne touche que 73 % de son salaire pendant trois ans.

Autrement dit, pour pouvoir éventuellement partir à 59 ans et demi après avoir « bénéficié » d'un temps partiel très relatif (80 % de taux d'activité !) à partir de 58 ans, il faut payer la note avec une perte sèche de 27 % du salaire ! C'est-à-dire pour ceux qui en fin de carrière touchent 2 000 euros par mois, vivre avec 1 460 euros sur la totalité des trois ans. Quant à ceux qui opteraient pour le temps partiel à mi-temps, ils ont intérêt à avoir une très bonne paie puisque la perte de salaire dans ce cas serait de 40 % pendant trois ans.

La direction spécule sur le fait que nombre de travailleurs âgés sont à bout pour tenter de les pousser dehors à très bon compte pour elle, et manifestement certaines directions syndicales semblent prêtes à la cautionner sous prétexte que cela serait pire demain.

Cet accord Renault s'inscrit parfaitement dans le cadre des mesures gouvernementales consistant à indemniser de moins en moins les salariés qui seront en retraite ou en passe de l'être.

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