Illange (Moselle) : Un jeune travailleur victime de la cupidité d'ArcelorMittal23/12/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/12/une2160.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Illange (Moselle) : Un jeune travailleur victime de la cupidité d'ArcelorMittal

Mercredi 16 décembre, pendant la nuit, un accident horrible s'est produit en Moselle, dans le port d'Illange, appartenant à une filiale d'ArcelorMittal. Un conducteur de locotracteur est tombé dans le canal avec son engin. Sept jours plus tard, son corps n'a toujours pas été retrouvé et, le canal étant gelé, les plongeurs attendent maintenant des conditions climatiques meilleures.

Selon ses camarades de travail, le jeune conducteur aurait reçu l'ordre de se rendre sur des voies de chargement, le long du canal, pour qu'un autre salarié remplisse de charbon une rame de wagons. Ce salarié, ne voyant pas arriver le locotracteur et son conducteur, est parti à leur recherche. Les voies ferrées étaient couvertes d'une épaisse couche de charbon et des traces de roues indiquaient que le locotracteur avait basculé dans le canal. La direction ose dire que le conducteur avait reçu l'ordre d'attendre que les voies soient nettoyées. Mais cela fait des années que le réseau ferré du port d'Illange est dans un état pitoyable !

Le port d'Illange est un immense terrain de plus de 100 hectares avec 1 600 mètres de quais, très peu éclairés, et très peu fréquentés la nuit. Le déchargement des péniches de minerai et de charbon ainsi que le chargement des wagons salissent les chantiers. Le nettoyage se fait à l'aide d'une chargeuse, un bulldozer avec un immense godet. Le godet glisse sur les rails et enlève la crasse. Mais il y a bien longtemps que les matières qui s'entassent entre les voies forment un véritable macadam. Le charbon du dernier déchargement et le gel qui soulevait la terre ont fait que les voies n'étaient plus visibles cette nuit-là. Or ces voies longent le canal, à trois mètres du bord.

Les locotracteurs sont des engins qui ne fonctionnent que par radiocommande. Le conducteur se tient soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de l'engin. Ils peuvent rouler sur les routes et sur les voies ferrées. Ils ont été introduits dans les usines sidérurgiques au début des années 1980, pour faire des économies de personnel. Pour la traction des divers wagons, on est passé d'un équipage de trois à une seule personne. Immédiatement, les ouvriers se sont rendus compte que ces engins étaient dangereux. En effet ils peuvent recevoir des ordres par radiocommande envoyés à plus de 200 mètres du locotracteur. Les aciéristes de Gandrange se souviennent du chef de poste tué par une loco en manoeuvre, en pleine nuit, sur le parc à ferrailles. Et d'un réparateur de loco retrouvé mort, la poitrine écrasée par les roues. Les sidérurgistes se souviennent aussi des nombreux accidents générés par ce type de traction : les rames qui leur coupaient la route, les voitures entrées en collision avec ces locos, les wagons qui heurtaient les ponts. Et à chaque enquête, le même refrain : « Ces engins sont conformes à la législation en vigueur, il y a manquement aux règles de sécurité. » Mais il était visible que, avec les convois pilotés par une seule personne, le RGS (règlement général de sécurité) n'était plus applicable. Or les patrons de la sidérurgie persistent. À Gandrange par exemple, la direction veut faire conduire ces machines par des lamineurs, avec tous les risques que cela implique. Tout cela pour supprimer quatre emplois de plus.

Ces locotracteurs rail-route auraient pu améliorer les conditions de travail. Mais, introduits dans les usines où seul règne le profit, ils se sont transformés en engins de mort. Un jeune travailleur de 28 ans vient de rallonger une liste déjà bien longue.

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