Suisse : L'interdiction des minarets - un référendum nauséabond02/12/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/12/une2157.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Suisse : L'interdiction des minarets - un référendum nauséabond

En Suisse, le parti populiste de droite UDC vient de remporter une pitoyable victoire, le 29 novembre, en parvenant à la suite d'une campagne xénophobe à une majorité de oui à l'initiative populaire réclamant l'interdiction des minarets.

Dans vingt-deux cantons sur vingt-six, les plus ruraux, le « oui » l'a emporté en moyenne à 57,5 % et une participation de 53 %, le score montant jusqu'à 70 % en Appenzell-Rhodes intérieures et extérieures, les cantons qui ont attendu 1989 et 1990 pour accorder le droit de vote aux femmes aux scrutins cantonaux. L'Union démocratique du centre, l'UDC, nom français du parti populaire suisse (SVP), continue, après son score de 29 % aux élections législatives d'octobre 2007, de surfer - malheureusement avec un certain succès - sur les préjugés racistes et anti-étrangers les plus nauséabonds.

Déjà, il y a quelques mois, l'UDC avait mené une campagne sur le thème de l'identité nationale à l'aide d'une affiche montrant des moutons blancs, fièrement campés sur le drapeau suisse, expulsant d'une ruade un... mouton noir. Toujours centrée sur le drapeau suisse, leur propagande récente pour l'initiative représentait une inquiétante silhouette sombre en burqa, plantée devant une forêt de noirs minarets, évoquant irrésistiblement des missiles et transperçant le drapeau helvétique.

Apparemment, les responsables de l'UDC sont les premiers surpris par leur victoire. Mais ceux qui ont répondu « oui » ont exprimé sans doute pour beaucoup leurs préjugés réactionnaires, mais aussi leur peur confuse des conséquences de la crise économique et de la « concurrence » des travailleurs immigrés, assimilés aux musulmans en général.

Visiblement satisfait du succès de ce coup de propagande, l'ancien ministre de l'UDC, Blocher, se dit prêt à continuer sur le thème de la lutte contre l'immigration, comme le faisaient ses semblables il y a trente ou quarante ans lorsque l'immigration de travailleurs italiens enrichissait le patronat suisse du BTP.

De leur côté, les porte-parole de la bourgeoisie suisse se montrent désolés, non de la réponse haineuse que la question stupide a provoquée, mais des conséquences économiques possibles du vote. Après la revue Économie Suisse qui rappelle qu'au « Danemark une seule caricature de Mahomet avait créé des dommages de plus d'un million de francs » et le dirigeant de l'Union suisse des arts et métiers qui s'inquiète que les « pays musulmans » fassent la différence entre « une question de société et les affaires économiques », il y a aussi Suisse Tourisme qui craint pour les 2 % de riches émirs du Golfe, dont les épouses sont d'ailleurs vraisemblablement les seules malheureuses en Suisse à avoir été « vues » sous une burqa.

Au-delà de ce vote xénophobe d'une partie des électeurs suisses, l'extrême droite des pays voisins se sent pousser des ailes. La Ligue du Nord italienne réclame à son tour une consultation sur ce sujet, les extrêmes droites autrichienne et flamande se réjouissent, Marine Le Pen prétend voir « une leçon pour les élites ». Jusqu'au godillot sarkozyste Xavier Bertrand qui se déclare « pas certain qu'on ait forcément besoin de minarets » en France.

Pas plus, en effet, que de clochers, de temples et autres édifices qui, à leur manière, rappellent que des hommes et des femmes de ce pays affichent encore une dépendance à « l'opium du peuple ». Mais sans doute pas moins. En particulier, dans un pays comme la Suisse, les buildings des banques et des multinationales font jusqu'à présent plus d'ombre, et créent infiniment plus de dommages à la société.

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