Des mirages de Dubaï à la grande misère des Restaurants du coeur02/12/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/12/une2157.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Des mirages de Dubaï à la grande misère des Restaurants du coeur

Alors que les ministres s'époumonent à chanter sur l'air de Tout va très bien, madame la marquise que la crise est en train de se terminer, le démenti est venu de l'annonce de la quasi-faillite d'un État et surtout de la panique que cela a suscité dans toutes les Bourses du monde. C'est que Dubaï, l'État menacé de faillite, a beau être minuscule, il n'en passe pas moins pour un des plus riches du monde. Son émir, qui considère son pays comme sa propriété privée, est aussi un homme d'affaires avisé qui a su compenser le manque de pétrole de son pays par d'heureuses spéculations immobilières en Grande-Bretagne.

Dubaï est donc un de ces États auxquels les banquiers du monde entier prêtaient volontiers de l'argent, y compris pour des investissements aussi fantaisistes que la construction de la plus haute tour du monde, près de trois fois la tour Eiffel, une île artificielle ou des hôtels de grand luxe avec vue directe sur la faune sous-marine, une piste de ski ainsi qu'un canal pour yachts de plaisance en plein désert ! C'est tout l'État qui vire au Disneyland pour attirer des touristes et de riches désoeuvrés ayant assez d'argent pour se payer une de ces luxueuses villas qui ont poussé comme des champignons, entraînant une spéculation immobilière lucrative.

Tous ceux qui avaient de l'argent se battaient pour prêter à Dubaï, pour la bonne raison que, l'argent attirant l'argent, ils espéraient un bon retour sur investissement.

Et voilà que Dubaï se révèle incapable d'honorer une échéance de sa dette devenue colossale. C'est toute la planète financière qui a tremblé pendant quelques jours. Les banques, bien sûr, qui ont prêté beaucoup d'argent à cet État, et les Bourses où ces banques sont cotées. Mais aussi les grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics, qui espéraient un pactole de la folie de construction de l'émirat. Un tiers des grues de la planète seraient concentrées sur le sol de Dubaï ! Jusqu'à Airbus à qui Emirates Airlines avait promis d'acheter des avions, promesse qui risque de ne pas être honorée.

À Dubaï même, les chantiers de construction sont arrêtés, et les milliers d'ouvriers venus d'Asie ou d'Afrique, mis à la porte. Et personne ne sait si les conséquences de la quasi-faillite s'arrêteront là. Personne ne sait, non plus, combien d'autres États plus grands se révéleront aussi incapables que l'émirat d'opérette d'honorer leurs dettes.

Alors, la fin de la crise ? Ce n'est même pas la fin de la crise financière. Tous les grands États ont dépensé des dizaines, des centaines de milliards de dollars ou d'euros, en détournant ces sommes des hôpitaux, des écoles, des infrastructures, des transports publics. Ils se sont tous endettés auprès des mêmes banquiers qu'ils ont sauvés avec l'argent public. Ils l'ont fait en clamant que c'était nécessaire pour sauver l'économie !

Mais l'argent donné aux banquiers n'est pas allé à la production, à la création d'emplois utiles. Il a seulement remis en marche la machine à spéculation. L'argent a beau couler à flots, la production continue à reculer, les entreprises à licencier et le nombre de chômeurs à augmenter.

En France, depuis le début de l'année 2009, il y a, suivant les statistiques qui toutes sous-estiment la réalité, entre 500 000 et 800 000 chômeurs de plus !

Pendant que les capitaux sont gaspillés pour des mirages à la Dubaï, des millions de travailleurs sont poussés vers la pauvreté même dans les pays les plus riches.

Les Restos du coeur qui viennent de démarrer leur activité d'hiver s'attendent à un accroissement d'au moins 20 % du nombre de ceux qui, sans leur secours, ne pourraient pas survivre. Pourtant, leurs organisateurs craignent que les institutions européennes comme le gouvernement diminuent leurs aides financières, déjà dérisoires. L'aide du gouvernement a été l'an dernier de dix millions d'euros, à comparer avec les trois milliards versés aux patrons de l'industrie automobile et aux dizaines de milliards offerts aux banquiers.

Leur monde, c'est un monde de fous. D'un côté, une minorité de riches parasites gaspille la richesse sociale à une échelle sans précédent. De l'autre, ceux qui ont créé cette richesse sont poussés à la misère. Ce système économique finira, tôt ou tard, par exploser !

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 30 novembre

Partager