Grande-Bretagne : Un soldat poursuivi pour son opposition à la sale guerre d'Afghanistan18/11/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/11/une2155.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Un soldat poursuivi pour son opposition à la sale guerre d'Afghanistan

Joe Glenton, caporal du corps logistique de l'armée britannique, doit passer en cour martiale dans la troisième semaine de novembre. Les charges retenues contre lui sont celles de désertion, incitation à la désertion et refus d'obéissance. Aux termes du code militaire, renforcé en 2006 par le gouvernement travailliste, Joe Glenton encourt une peine pouvant aller jusqu'à dix ans de prison.

Ce n'est pas la première fois, et de loin, que des militaires britanniques désertent pour éviter d'être renvoyés en Afghanistan ou, auparavant, en Irak. Mais jusqu'à présent, l'armée était parvenue à régler les choses discrètement, en offrant aux récalcitrants une porte de sortie rapide des cadres de l'armée ou un reclassement, en échange de leur silence. De sorte que la seule opposition publique à la guerre dans les milieux proches de l'armée venait de quelques dizaines de familles de soldats morts dans des conditions douteuses, en particulier sous le « feu ami » de forces alliées.

Mais aujourd'hui, Joe Glenton vient de briser le mur de silence derrière lequel on cache le moral des troupes. Engagé dans l'armée en 2004, à 22 ans, Glenton fut envoyé en Afghanistan en 2006. Revenue en Angleterre l'année suivante dans le cadre de la rotation normale des troupes, son unité se vit intimer l'ordre de repartir sans attendre le délai réglementaire de 23 mois entre deux rotations. Glenton décida alors de rejoindre les rangs de ceux que l'on appelle par euphémisme les « Awol » (« absents sans autorisation ») et s'évapora à l'étranger.

Néanmoins, après deux ans de cavale, Glenton décida de revenir pour faire entendre son opposition à la guerre. Laissé en liberté dans ses quartiers en attendant son procès, il en profita pour multiplier les interventions publiques. Le 24 octobre, il défilait au premier rang d'une manifestation contre l'occupation de l'Afghanistan organisée à Londres par la « Coalition anti-guerre » (qui regroupe des éléments allant de l'extrême gauche aux pacifistes et à divers groupes religieux). Lors du meeting en plein air qui termina la manifestation à Trafalgar Square, Joe Glenton fut le principal orateur à la tribune.

À cette occasion, Glenton déclara notamment : « Désobéir aux ordres n'est pas facile. Mais lorsque la Grande-Bretagne suit les États-Unis pour faire la guerre à l'un des peuples les plus pauvres du monde, je ne vois pas d'autre choix. (...) La guerre en Afghanistan ne réduit pas le risque terroriste. Et loin d'améliorer la vie des Afghans, elle ne leur apporte que mort et destruction. La Grande-Bretagne n'a rien à faire là-bas ».

Pour l'armée, ce discours fit déborder le vase. Le lendemain matin, Glenton était arrêté et mis en prison en attendant son procès. Cette réaction fut sans doute d'autant plus brutale que l'opposition de l'opinion à l'engagement britannique en Afghanistan, désormais majoritaire, continue à croître, en partie du fait du nombre record de soldats britanniques qui ont trouvé la mort sur le terrain cette année.

Dans ce contexte, les prises de position de Joe Glenton, relayées par une partie de la presse (dont le puissant quotidien Daily Mirror qui lui a apporté son soutien), gênent l'armée et le gouvernement. Le Premier ministre Gordon Brown a déjà bien du mal à justifier les quelques centaines d'hommes des forces spéciales envoyés récemment en renfort en Afghanistan, sans même parler de répondre aux appels d'Obama à suivre l'exemple américain en fournissant des troupes de combat supplémentaires.

Reste à savoir si l'exemple courageux de Joe Glenton encouragera d'autres soldats à manifester publiquement leur écoeurement devant cette sale guerre dans laquelle ils ne jouent effectivement pas d'autre rôle que celui de terroriser toute une population.

Partager