Brésil : La fée électricité supporte mal la gestion privée18/11/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/11/une2155.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : La fée électricité supporte mal la gestion privée

Dans la nuit du 10 au 11 novembre, pendant quatre heures, une panne gigantesque a privé d'électricité la moitié du Brésil et plus des trois quarts de la population. Cela a été la panique dans les grandes villes, plongées dans le noir, privées de transports, de signalisation routière, de téléphone, avec les hôpitaux paralysés, des milliers de gens coincés dans des ascenseurs... Et trois jours après, si le courant était partout rétabli, certains quartiers de Rio étaient encore privés d'eau potable, la remise en route des stations de traitement des eaux se faisant attendre.

Cette panne s'explique simplement. Trois lignes de courant à très haute tension ont disjoncté dans le sud, entraînant la mise hors réseau du barrage géant d'Itaipu sur le fleuve Parana, à la frontière du Paraguay. Comme les interconnexions sont automatiques sur le réseau, la sous-alimentation en électricité a fait disjoncter les stations les unes après les autres. Mais pourquoi ces trois lignes ont-elles disjoncté ? Le ministre de l'Énergie a prétendu que cela était dû à de violents orages et que l'affaire était close : « Le système est fiable et robuste ». Mais la météo a démenti la présence d'orages dans la région. Quant au président Lula, il affirme qu'il est trop tôt pour se prononcer et qu'il faut attendre le résultat des enquêtes.

Le sujet est d'autant plus sensible politiquement que la précédente ministre de l'Énergie, de 2003 à 2005, était Dilma Roussef, qui occupe actuellement le poste de Premier ministre et qui est la candidate du PT, le parti de Lula, pour l'élection présidentielle de l'an prochain. La droite s'en donne donc à coeur joie, parlant de « la panne de Dilma ».

Cette droite oublie un peu vite les grandes pannes qui ont marqué la gestion du président Fernando Henrique Cardoso en 1999 et 2001 et qui ont imposé à toute la population des restrictions sévères d'électricité. À l'époque, l'autorité de surveillance des usines électriques, tout occupée à favoriser les centrales thermiques privées, avait laissé dangereusement baisser le niveau des grands barrages qui fournissent le courant à tout le pays.

Dilma Roussef a beau jeu de rappeler cette époque à la droite, mais la raison des pannes est la même, sous Lula comme sous Cardoso : la gestion privée de ce qui était et aurait dû rester un service public. Car si les quatre cinquièmes de la production d'électricité sortent de centrales publiques, le réseau de distribution, lui, a été privatisé à 70 %. Ce secteur privé se partage par moitié entre compagnies étrangères et nationales (totalement privées ou en association avec l'État). La recherche du profit maximum a entraîné la suppression de la moitié des emplois, 100 000 au total.

Dans ces conditions, l'entretien est le dernier des soucis de ces messieurs, et les pannes se multiplient. En ne comptant que les pannes importantes, touchant l'équivalent d'une ville de 400 000 habitants, il y en a eu cette année 62, contre 48 l'an passé. La panne du 10 novembre n'est donc pas isolée. La population est à la merci de ces défaillances provoquées par la gestion privée, et elle paie plus cher pour un service défaillant. Selon l'enquête d'un organisme officiel, ce serait chaque année un milliard de reals (près de 400 millions d'euros) qui serait volé aux usagers, du fait des prix abusifs.

Tout cela est parfaitement cohérent : que ce soit par des hausses de prix ou des économies de personnel et d'entretien, il faut bien enrichir les actionnaires privés des compagnies d'électricité.

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