Birmanie : Des sanctions qui n'inquiètent ni la junte, ni Total21/08/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/08/une2142.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Birmanie : Des sanctions qui n'inquiètent ni la junte, ni Total

Après l'annonce de la condamnation de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi à dix-huit mois de résidence surveillée, Sarkozy y est allé de son couplet contre « ce verdict brutal et injuste » et a demandé de nouvelles sanctions de l'Union européenne contre la junte birmane. Mais il s'est alors bien gardé de mettre en cause Total, qui fait pourtant partie des principales entreprises étrangères implantées en Birmanie et en relation avec la dictature militaire. Il a préféré proposer que les nouvelles sanctions visent « tout particulièrement (...) le domaine de l'exploitation du bois et des rubis » !

Le groupe Total est pourtant présent depuis 1992 en Birmanie, date à laquelle il a obtenu le droit d'exploiter le champ gazier de Yadana pendant trente ans, c'est-à-dire pendant la durée estimée pour l'épuiser. Bien qu'il ait bénéficié en 2006 d'un non-lieu, il est de notoriété publique que Total a profité pendant plusieurs années du travail forcé de dizaines de milliers de Birmans, dont des enfants, pour la sécurisation de ses infrastructures et la construction du gazoduc acheminant le gaz à travers la jungle jusqu'à la Thaïlande voisine. La construction de ce gazoduc a eu aussi pour conséquence le déplacement forcé des milliers d'habitants de cinquante villages avoisinants.

L'exploitation de cet énorme champ gazier de plus de 140 milliards de mètres cube, situé au large des côtes birmanes, dure donc depuis plus de quinze ans. Elle fournirait une rente annuelle de 2 milliards d'euros à la junte, qui possède des parts dans la société exploitante... et sans doute bien plus à Total ! La population birmane, elle, n'en bénéficie nullement et reste dramatiquement pauvre, avec un revenu moyen équivalent à 1 euro par jour et des habitations de fortune qui ne résistent pas aux cyclones, comme celui qui a dévasté le pays en mai 2008.

Le groupe Total s'est engagé en Birmanie quelques années après une répression féroce de la population par la dictature militaire en 1988. Il a continué ses affaires en 2007, quand de nouveau la répression s'est abattue sur la population en révolte contre les augmentations des prix... Ses dirigeants affirment aujourd'hui encore qu'il n'est pas question de se retirer de la Birmanie, et qu'ils y resteront « aussi longtemps qu'ils estimeront que leur activité dans le cadre du projet Yadana contribue au bien-être des populations du Myanmar » (le nom de la Birmanie). Quels cyniques hypocrites ! Ils profitent justement de la terreur que la dictature militaire fait régner sur la population pour exploiter davantage celle-ci et tirer de leur gisement de gaz le maximum de profits !

Il n'est évidemment pas question pour Sarkozy et son ministre des Affaires extérieures, Kouchner, de gêner en quoi que ce soit les affaires de Total. Dans ce domaine d'ailleurs, Kouchner serait subitement devenu bien ingrat, lui qui a pondu en 2003 un rapport, rémunéré 25 000 euros, blanchissant Total face aux accusations de travail forcé. Et l'Union européenne reste elle aussi plus que timorée, se contentant d'ajouter les magistrats responsables du verdict contre Aung San Suu Kyi sur la liste des personnes faisant l'objet d'une interdiction de voyage et de gel de leurs avoirs... La junte birmane peut continuer ses exactions, l'essentiel pour ces gens-là est que Total continue à faire là-bas comme ailleurs de profitables affaires.

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