Honduras : Un putsch militaire qui pourrait tourner court03/07/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/07/une2135.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Honduras : Un putsch militaire qui pourrait tourner court

Dimanche 28 juin, au Honduras, le président élu il y a près de quatre ans, Manuel Zelaya, a été conduit de force par des militaires putschistes au Costa Rica voisin. Tout au long de la semaine précédente, il s'était affronté avec la Cour suprême et une partie du Parlement qui s'opposaient à ce qu'il obtienne, par un référendum prévu le 28 juin, une modification de la Constitution lui permettant de postuler à un second mandat présidentiel. Se posant en « défenseur de la Constitution », le général Romeo Vasquez a déclenché un coup d'État pour renverser le président élu.

Selon la Constitution du Honduras, le président ne peut exercer qu'une seule fois son mandat et pour une durée de quatre ans. Comme bien d'autres dirigeants d'Amérique latine (on pense à Menem en Argentine ou à Chavez au Venezuela), Zelaya a trouvé que c'était un peu court et a cherché les moyens de pouvoir se présenter à sa propre succession.

Quant à l'armée du Honduras, elle a une longue tradition de putschs militaires dont elle a commis une série entre 1963 et 1983. Elle a également permis que le Honduras serve de base arrière aux États-Unis quand ceux-ci soutenaient matériellement et humainement les « contras », ces forces contre-révolutionnaires qui combattaient les sandinistes du Nicaragua et qui firent tout pour empêcher que les populations du Guatemala, du Salvador et même du Honduras suivent l'exemple de cette guérilla.

Il existe donc une relation privilégiée entre les États-Unis et l'armée du Honduras. Le chef du putsch lui-même a bénéficié de la formation particulière dispensée dans les années soixante-dix à Fort Benning, USA. Celle-ci a permis à des cadres de l'armée américaine, mais aussi de nombreux pays d'Amérique latine, de tirer profit des cours dispensés notamment par un officier de l'armée française, le général Aussarresse, expert en usage de la torture, formation d'escadrons de la mort et exactions diverses.

Les officiers putschistes reprochent notamment au président qu'ils ont démis d'avoir changé de politique en cours de route. Élu comme un homme de droite, et lui-même grand propriétaire terrien, Zelaya a cherché de l'aide du côté des États-Unis quand le Honduras a été frappé à son tour par la crise économique mondiale. Comme cette aide tardait à venir, il s'est tourné vers le Venezuela de Chavez. Pour bénéficier d'une aide, il s'apprêtait à adhérer à l'Alba, l'alliance économique que pilote le Venezuela. Chavez a aussitôt dénoncé les putschistes, mettant même ses troupes en état d'alerte.

Et s'il s'est trouvé des députés adversaires de Zelaya pour accepter de lui nommer un successeur, il n'est pas sûr cependant que les putschistes aient vraiment le soutien de Washington. Obama a d'abord fait une déclaration ambiguë appelant « tous les acteurs politiques à respecter les règles démocratiques et la loi », ce qui peut s'interpréter comme un rejet du putsch mais aussi de la manoeuvre de Zelaya pour disposer d'un second mandat. Mais il a ensuite souligné que « le président Zelaya n'avait pas terminé son mandat », tandis qu'Hillary Clinton expliquait que « Zelaya restait l'unique président du Honduras ».

Le reste des déclarations en Amérique latine dénonce un « retour à la barbarie », les dirigeants latino-américains n'ayant nulle envie que les militaires reviennent sur le devant de la scène, comme ce fut le cas entre 1963 et 1987 dans la plupart de ces pays. Aussi la totalité des pays d'Amérique latine, l'Organisation des États américains (OEA), le Mercosur, le groupe de Rio ont manifesté leur soutien au président évincé. Le dirigeant du Brésil Lula a déclaré qu'il ne reconnaîtrait aucun gouvernement du Honduras qui ne soit pas conduit par Zelaya. Les Nations unies et l'Union européenne sont allées dans le même sens.

Dans la rue de la capitale hondurienne, Tegucigalpa, il s'est aussi trouvé un millier de manifestants pour protester contre le putsch du 28. Le syndicat de l'enseignement appelle à une grève générale de protestation. Quant à Zelaya, il a annoncé qu'il allait revenir jeudi 2 juillet au Honduras, accompagné d'un représentant de l'OEA et de représentants de divers pays d'Amérique latine pour faire rétablir ses droits.

Dans la coulisse, il n'est pas exclu que les États-Unis se servent de leurs liens privilégiés avec les militaires honduriens pour les convaincre de remettre en selle Zelaya au moins jusqu'à la fin de son mandat, prévue en novembre prochain. Il faudrait alors trouver un moyen pour que les militaires sauvent la face, mais l'administration nord-américaine en tirerait au moins le bénéfice politique d'avoir, une fois n'est pas coutume, rétabli un régime parlementaire dans une zone où ils ont toujours pesé sur le choix des dirigeants, et le plus souvent en s'appuyant sur la force armée.

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