Crash du vol AF 447 : Une « hypothèse » vite avancée... pour éviter certaines questions ?03/06/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/06/une2131.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Crash du vol AF 447 : Une « hypothèse » vite avancée... pour éviter certaines questions ?

La disparition en plein Atlantique du vol Air France Rio-Paris a soulevé une émotion à la mesure du drame : 216 passagers et 12 membres d'équipage ont péri dans ce qui est à ce jour la plus terrible catastrophe qu'ait connue Air France.

Aussitôt, la direction de la compagnie a fait savoir que son Airbus 330 était récent, qu'il venait de passer en révision, qu'un commandant de bord chevronné le pilotait - toutes choses avérées - mais en avançant l'hypothèse - elle discutable - d'un avion qu'aurait foudroyé un orage tropical encore plus violent que ceux qui surviennent habituellement entre le Brésil et l'Afrique.

Cette présentation des choses suggérait donc immédiatement qu'on ne devait pas mettre en cause de facteur matériel ou humain, et qu'il fallait déplorer des forces de la nature en furie. Mais, chaque année, des milliers d'avions sont frappés par la foudre sans que cela ait de conséquences notables. De plus, les pilotes savent, surtout lors de vols transatlantiques franchissant l'équateur, qu'ils doivent contourner les violentes perturbations atmosphériques que leur radar signale. En revanche, il semblerait que, dans certaines conditions, les sondes de certains Airbus pourraient se boucher du fait du givre et cesser de fonctionner, avec pour conséquences la perte de l'indication de vitesse, la perte du contrôle de vol, etc. En tout cas, c'est ce qu'ont relevé de récents « rapports d'incident de vol » ; des rapports remis aux autorités, qui ont transmis à Airbus... à charge pour lui de voir si des modifications (coûteuses) ne seraient pas nécessaires. Dans le cas du vol Rio-Paris, pas moins de quatorze messages de telles pannes ont été enregistrés durant ses quatre dernières minutes !

Par ailleurs, le site Internet EuroCockpit, tenu par des bénévoles travaillant dans le domaine aérien, signale, à propos de « la turbulence induite et (des) forces de cisaillement » qui accompagnent les orages tropicaux : « Les normes en vigueur, et qui concernent notamment les points de rupture des ailes, n'ont pas évolué malgré la masse croissante des avions civils. L'usage de matériaux composites dont la résistance est calculée pour satisfaire la norme de certification, mais pas beaucoup plus, est dicté par le souci de "performance économique", entendez par là le besoin de faire des économies de poids, donc de carburant ».

Ces problèmes renvoient à des questions de gros sous que la version, officieuse mais largement répandue, de la foudre responsable du drame aurait l'avantage de laisser de côté.

Certes, quand le rapport du BEA (Bureau d'enquêtes et d'analyses, un organisme officiel français chargé du suivi des incidents et accidents du transport aérien civil) sera rendu public, on en saura peut-être plus, en tout cas en lisant entre les lignes. Car, s'il est une constante dans l'attitude des autorités en pareil cas, c'est d'éviter tout ce qui pourrait faire de l'ombre aux grandes compagnies ou aux constructeurs aéronautiques. Airbus n'a pu que l'apprécier alors que, le surlendemain du drame, il devait fêter la première liaison régulière assurée par son « cargo des airs » A 380, entre Singapour et Paris, à quelques jours du Salon du Bourget, en espérant de nouvelles commandes à cette occasion.

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