Acquisitions de terres en Afrique : Affameurs nouveaux et anciens03/06/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/06/une2131.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Acquisitions de terres en Afrique : Affameurs nouveaux et anciens

L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) vient de publier un rapport sur l'acquisition de terres en Afrique par des investisseurs internationaux et les risques que cela entraîne pour les paysans pauvres.

Cette étude est centrée sur cinq pays (l'Éthiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali, le Soudan) où, depuis 2004, 2,5 millions d'hectares de terre ont été achetés par des investisseurs étrangers, par lots supérieurs à 1 000 hectares, pour des productions entièrement destinées à l'exportation et qui ne contribuent donc en rien à l'alimentation de la population locale. Le rapport souligne que l'État soudanais par exemple a vendu des centaines de milliers d'hectares de terres agricoles alors qu'une partie de sa population dépend de l'aide alimentaire de l'ONU pour subsister.

D'après la FAO cette situation est la conséquence de la hausse spéculative du prix des denrées agricoles. Les acquéreurs de terres sont soit des pays importateurs de denrées agricoles qui veulent se prémunir contre la hausse des prix en produisant eux-mêmes, quitte à acheter des terres à l'étranger ; soit des groupes financiers qui se livrent à la spéculation. Mais pour les paysans et plus généralement pour la population africaine pauvre, le résultat est le même : moins de terres à cultiver, hausse du prix des terres agricoles et des denrées alimentaires.

Le rapport, d'après ses rédacteurs, veut répondre à « un certain nombre de préjugés erronés sur ce qu'on a appelé l'accaparement (ou la spoliation) des terres ». Il s'efforce de démontrer que, même si elle comporte des risques, l'acquisition de grands domaines par des capitalistes ou des États étrangers peut apporter des bénéfices aux populations des pays pauvres, en terme d'emplois et de progrès technique notamment.

Démonstration on ne peut plus hasardeuse. Car cela fait des siècles que les meilleures terres des pays pauvres sont en fait exploitées par les capitalistes des pays riches. Il n'y a pas besoin de remonter au temps des colonies, lorsque, par exemple, la France, au nom de l'industriel du textile Boussac, imposait la monoculture obligatoire du coton au Tchad quitte à affamer la population. Aujourd'hui, pour ne citer que les groupes français les plus connus, Bolloré gère 151 000 hectares de plantations, en Afrique et en Asie. Le sucrier Téreos possède 230 000 hectares de canne à sucre, au Brésil, à la Réunion et au Mozambique. Le groupe Louis Dreyfus est à la tête d'assez de champs de canne et d'usines à sucre au Brésil pour être le deuxième producteur d'éthanol du pays.

Si cette domination apportait autre chose que l'exploitation et la misère aux paysans dépossédés de leurs terres et transformés en prolétaires trimant dans les champs des autres ou en chômeurs, cela se serait vu depuis longtemps. Mais ce qu'on voit ce sont des populations en proie à la famine et des champs cultivés pour l'exportation et gardés par des hommes en armes.

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