Égypte - l'abattage des porcs : Un coup porté aux pauvres et à la minorité copte06/05/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/05/une2127.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte - l'abattage des porcs : Un coup porté aux pauvres et à la minorité copte

Les autorités égyptiennes ont décidé, le 29 avril, à la suite de l'épidémie de grippe A au Mexique et en Europe, d'abattre les quelque 300 000 porcs qui seraient élevés dans le pays.

Aucun cas de grippe A n'ayant été détecté en Egypte et l'Organisation mondiale de la santé soulignant que le problème est celui de la transmission interhumaine du virus H1N1, l'annonce du gouvernement a suscité méfiance et réactions. En particulier quand, dès le 2 mai, des services vétérinaires sont venus, à grand renfort de forces de police, se saisir des cochons dans les quartiers du Moqattam, à l'est du Caire, et de Khanka, au nord, des centaines de gens se sont opposés au vol de leur unique richesse.

Dans le bidonville de Manchiyet Nasr, sur la colline du Moqattam, 35 000 habitants vivent du tri des ordures et de l'élevage de dizaines de milliers de porcs qui trouvent leur nourriture parmi les déchets. Ces habitants sont des Coptes, une minorité chrétienne qui représente environ 8 à 10 % de la population égyptienne ; ils consomment parfois du porc mais surtout en revendent la viande, ce qui constitue une de leurs seules sources de revenus.

Le ministère de la Santé, visant les chiffonniers du Caire, a ajouté l'argument de l'éradication des élevages insalubres à celui de la mesure de précaution face à la grippe A. Il reste que la population copte, seule à consommer de la viande de porc, se sent d'autant plus ciblée par la décision du gouvernement qu'elle a par ailleurs été, ces dernières années, souvent l'objet de provocations plus ou moins inspirées par les islamistes radicaux et mollement condamnées par le pouvoir. De toute évidence, la décision gouvernementale, plus que par le souci de la santé de la population, semble dictée par celui de plaire aux intégristes.

En l'occurrence, l'efficacité des mesures prises par le gouvernement est très contestable : seuls deux abattoirs, un au Caire et un à Alexandrie, sont équipés pour traiter les porcs, qui ne sont jamais abattus dans les mêmes lieux que les autres viandes. L'un et l'autre ne peuvent abattre que 1 500 porcs par jour, l'ensemble du cheptel ayant donc des chances de vivre encore longtemps. Autre problème, la conservation de la viande, apparemment peu vendable dans l'immédiat et dont les administrations responsables des congélateurs répugnent à s'encombrer. Au demeurant, les camions de transport des malheureux porcins capturés ont une capacité limitée à 70 individus. On nage donc en pleine incohérence de la part du pouvoir.

Dans tous les cas, les victimes immédiates de la mesure gouvernementale sont donc, outre les porcs eux-mêmes, les dizaines de milliers de pauvres qui les élèvent et auxquels l'indemnisation promise, une livre égyptienne du kilo, soit environ 10 centimes d'euro, ne rapportera - si elle arrive - que dix fois moins que la vente habituelle de la viande.

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