Vote en faveur du changement de statut à Mayotte : Départementalisation et relents coloniaux03/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2122.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Vote en faveur du changement de statut à Mayotte : Départementalisation et relents coloniaux

La population de Mayotte, petite île de l'archipel des Comores colonisé par la France en 1841, vient de voter à plus de 95 % pour passer du statut de Collectivité d'Outre-mer à celui de Département d'Outre-mer. En 2011, Mayotte devrait donc devenir le 101e département français.

On peut comprendre ce choix de la population, qui espère beaucoup d'un rapprochement plus poussé avec la France. Dans cette île frappée par le chômage et la misère, les uns aspirent à bénéficier d'allocations comme le RMI, les autres à une meilleure protection sociale, d'autres enfin espèrent que le statut de département renforcera les quelques avantages dont ils jouissent au regard des autres habitants des Comores. Car, même s'il est en moyenne trois fois inférieur à celui de la Réunion, département français le plus proche, le pouvoir d'achat est à Mayotte neuf à dix fois plus élevé que celui d'Anjouan, de Mohéli ou de la Grande Comore, les autres îles de l'archipel.

Mais s'ils comptent sur la départementalisation pour changer leur sort, les habitants de Mayotte risquent de devoir rapidement déchanter. À commencer par le fait que l'application de l'ensemble des lois et dispositifs de protection sociale en usage dans les autres départements, qui ne débutera pas avant 2011, devra s'étaler sur vingt ou vingt-cinq ans. La protection sociale (maladie, retraite, accidents du travail) ne sera donc mise en place que très progressivement. Quant au revenu de solidarité active, à l'allocation de parent isolé et à l'allocation de solidarité spécifique, ils ne seront versés qu'à partir de 2012, avec un niveau fixé au quart de ce que perçoivent les allocataires dans l'hexagone. Car, comme le commentait cyniquement un rapport parlementaire, « la départementalisation ne doit pas ajouter des bouleversements et des frustrations provoqués par une élévation artificielle des niveaux de vie », ajoutant : « Il ne paraît pas envisageable que les habitants de Mayotte disposent immédiatement de l'ensemble des transferts sociaux en vigueur dans les départements de métropole ». Les voilà donc prévenus !

Dans cette région du monde où le niveau de vie est l'un des plus bas, Mayotte apparaît néanmoins comme un îlot de prospérité relative et de développement, notamment en matière d'équipements de santé. Cela explique qu'un grand nombre de Comoriens, souvent accompagnées d'enfants en bas âge, tentent d'y immigrer clandestinement. Un phénomène contre lequel l'État français n'a cessé de dresser des barrières : obligation, depuis 1995, de visa pour entrer à Mayotte ; réseau de radars et vedettes rapides pour surveiller les eaux territoriales ; loi d'exception applicable aux étrangers, expéditive et sans recours ; multiplication du nombre de gendarmes et de policiers affectés aux contrôles et à la traque des sans-papiers, etc.

Résultat, les originaires d'autres îles des Comores présents sur le sol de Mayotte sont pratiquement interdits de séjour, même lorsqu'ils résident à Mayotte depuis bien longtemps. Et tandis que le bras de mer séparant Anjouan de Mayotte est devenu un cimetière pour des milliers de candidats à l'immigration embarqués sur des rafiots de fortune, le nombre de personnes refoulées est passé de 7 700 en 2005 à 16 000 en 2008. Pour aller dans le même sens, les représentants de l'État français, du préfet de Mayotte au secrétaire d'État à l'Outremer Yves Jego, répètent aujourd'hui que la départementalisation devra avoir pour contrepartie « davantage de fermeté dans la lutte contre l'immigration clandestine » et que « les Mahorais (les habitants de Mayotte) doivent apporter leur concours à cette politique ».

Barrières entre les peuples, morcellements, oppression, exploitation, misère : n'est-ce pas le colonialisme puis l'impérialisme français qui portent une responsabilité écrasante dans la situation des peuples de l'archipel ? Lors de l'indépendance des Comores en 1974, l'État français n'a pas manqué d'exercer des pressions pour conserver Mayotte dans son giron, l'isolant ainsi des trois autres îles qui avaient rejeté sa tutelle en votant à 99 % pour l'indépendance. Il était aberrant de voir s'instaurer des frontières dans un petit archipel dont les populations ont eu longtemps un passé commun. Mais l'impérialisme français le voulut ainsi pour maintenir sa présence dans cette région du canal du Mozambique et de l'océan Indien, par où transite une part importante du trafic pétrolier mondial. Mais à aucun moment depuis 1974 les gouvernements français successifs ne se sont réellement souciés d'améliorer le sort des habitants de Mayotte. Aujourd'hui encore, par la lenteur annoncée des réformes, ils se gardent de tout geste pouvant susciter la moindre illusion.

En fait, si un avenir existe pour les Comoriens, y compris pour les Mahorais, il serait plutôt à rechercher dans la coopération plutôt que dans la division, et surtout dans un combat commun contre toutes les couches dirigeantes locales, y compris celles qui sont le relais de l'ancienne puissance coloniale.

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