Il y a dix ans : 78 jours de bombardements de l'OTAN contre la Serbie et le Kosovo03/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2122.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Il y a dix ans : 78 jours de bombardements de l'OTAN contre la Serbie et le Kosovo

Le 24 mars 1999, les avions de l'OTAN commençaient leurs bombardements sur la Serbie, le Monténégro et le Kosovo, c'est-à-dire sur ce qui restait alors de la fédération yougoslave dont l'éclatement avait commencé neuf ans auparavant. Ces bombardements allaient durer 78 jours et parachever le dépeçage de la Yougoslavie, avec la mise du Kosovo sous tutelle de l'ONU, prélude à sa récente indépendance.

Pendant plus de dix semaines, un millier d'avions de combat réalisèrent 38 000 raids. Au total, les pertes des forces de l'OTAN furent quasi nulles, quelques soldats tués et deux appareils abattus. En revanche elles furent coûteuses pour les forces armées yougoslaves (800 tués) et la population civile (entre 600 et 1 200 morts, selon diverses sources non gouvernementales).

Les dégâts matériels furent considérables en Serbie, et d'abord à Belgrade. Des bâtiments officiels mais aussi les ponts, les centrales électriques, des usines furent détruits. Les bombardements eurent aussi pour conséquence d'augmenter le flot de réfugiés parmi toutes les populations que l'OTAN prétendait protéger. La « purification ethnique » de Milosevic au Kosovo avait jeté sur les routes 300 000 personnes, les bombardements portèrent ce nombre à près d'un million. Au lieu de réduire le mal, le remède choisi par les grandes puissances l'aggravait.

Du soutien de Milosevic...

Dans un premier temps, les grandes puissances d'Amérique et d'Europe s'étaient largement accommodées du régime de Milosevic, comme d'ailleurs de tous les dirigeants nationalistes de l'ex-Yougoslavie. Elles ne trouvèrent rien à redire quand la Slovénie et la Croatie firent sécession en 1991, ni au fait que, s'affichant « grand-serbe », Milosevic se fît le défenseur des minorités serbes dans les différentes régions de l'ancienne fédération yougoslave. Toutes ces politiques ouvraient la voie à la « purification ethnique », c'est-à-dire au regroupement forcé sur le même territoire de populations de même origine, disloquant ainsi la Yougoslavie de Tito qui avaient au moins eu le mérite de faire cohabiter et se mêler des peuples d'origines diverses.

Dès 1990, le Serbe Milosevic et le Croate Tudjman, qui menait pour son compte une politique identique, furent les interlocuteurs privilégiés des grandes puissances. Ils l'étaient encore lors de la signature en 1995 des accords de Dayton, aux États-Unis, qui entérinèrent le découpage de la Bosnie en trois entités hostiles.

En février 1998, alors que se manifestait une forte résistance de la population albanaise au Kosovo, Milosevic lança sa police contre elle. Les grandes puissances, qui se méfiaient de la montée d'une résistance armée au Kosovo, celle de l'Armée de Libération du Kosovo (UCK), laissèrent faire Milosevic, considéré par elles comme l'homme fort capable de faire régner l'ordre sur son territoire.

Mais en 1999 les mêmes grandes puissances, dans le sillage de l'impérialisme américain, se mirent à expliquer que le sort des Kosovars leur importait désormais. Elles firent mine alors de découvrir le caractère dictatorial du régime de Milosevic. À cette date, cela faisait pourtant dix ans que celui-ci avait supprimé le statut d'autonomie de la province du Kosovo, qu'il avait aggravé la situation de la population d'origine albanaise, non seulement sur le plan de la langue mais également en lui rendant plus difficile l'accès à l'emploi ou au logement.

... à son élimination...

Les bombardements de l'OTAN semèrent la terreur sur les populations et eurent leur lot de prétendues bavures. Les obus frappèrent notamment des cars de civils, un train de réfugiés, des marchés, l'hôpital de Nis en Serbie (dont l'équipe municipale appartenait à l'opposition à Milosevic !), des villages kosovars et même l'ambassade de Chine à Belgrade, ce qu'un général de l'aviation américaine commenta ainsi : « Nous ne sommes pas là-haut, à une altitude invraisemblable, en train d'essayer de faire la différence entre les bons et les méchants. »

En choisissant l'escalade guerrière et le terrorisme des bombardements, les grandes puissances entendaient non seulement rappeler à l'ordre le régime de Milosevic mais également signifier aux peuples du monde entier - et cela, quoi qu'il en coûte aux peuples de l'ex-Yougoslavie en vies humaines et en souffrances - qu'elles seules désormais avaient un rôle de gendarme partout dans le monde, y compris dans des territoires qui leur échappaient auparavant.

Et, pour ceux qui auraient l'illusion de croire qu'à la différence de l'OTAN, bras armé de l'impérialisme, l'ONU pourrait jouer un rôle positif, la mise sous tutelle du Kosovo, avec comme chef de l'administration Bernard Kouchner, devait montrer que l'ONU ne fit que poursuivre, par d'autres moyens, ce que les bombardements de l'OTAN avaient commencé. Et l'accession finale du Kosovo à l'indépendance n'a abouti qu'à parachever la dislocation de la Yougoslavie. Ce fut peut-être une réussite pour tous les roitelets qui règnent aujourd'hui sur ses dépouilles, mais cela a constitué à coup sûr un désastre pour les peuples qui ont payé au prix fort ce dépeçage.

... et à une nouvelle balkanisation de la région

Le jeu sanglant entremêlé des dirigeants nationalistes et des grandes puissances a non seulement exacerbé les sentiments ultra-nationalistes, renforcé les courants politiques les plus réactionnaires, mais d'abord contribué à semer le désarroi et la démoralisation au sein de la population de l'ex-Yougoslavie. En intervenant dans cette région du monde, comme elles l'avaient fait à maintes reprises dans le passé, les puissances impérialistes ont contribué à rétablir ce qu'étaient les Balkans d'autrefois, c'est-à-dire un carcan pour les aspirations des peuples de cette région.

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