Corbeil-Essonnes : Dassault, ou les moeurs nauséabondes d'un maire milliardaire03/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2122.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Corbeil-Essonnes : Dassault, ou les moeurs nauséabondes d'un maire milliardaire

L'élection à Corbeil-Essonnes de Serge Dassault, l'avionneur milliardaire, risque bien d'être finalement annulée. Le mercredi 25 mars, le rapporteur public du Conseil d'État a en effet demandé l'invalidation du deuxième tour de l'élection municipale du 16 mars 2008, que Dassault avait remportée avec seulement 170 voix d'avance sur le candidat communiste Bruno Piriou, qui conduisait une liste de rassemblement à gauche.

Le tribunal administratif avait déjà été saisi au lendemain des élections, par un recours qui mentionnait différentes irrégularités : pressions, menaces, mais aussi distribution d'argent et donc achat de voix. En octobre 2008 le tribunal administratif rejetait le recours et, contre toute attente, condamnait Piriou à un an d'inéligibilité et à une amende de 20 000 euros, pour ne pas avoir inclus quelques dépenses dans ses comptes de campagne.

C'est en faisant appel de cette décision et en apportant cinq nouveaux témoignages, qualifiés « d'assez édifiants » par les juges eux-mêmes, que le rapporteur public a recommandé cette fois-ci l'annulation des élections municipales en retenant contre Dassault deux griefs principaux : achat de voix et manoeuvre le jour du scrutin.

Les témoignages en question évoquent explicitement des sommes de 100 à 200 euros distribués en échange de votes réellement contrôlés... par les donneurs d'enveloppes. Le total mis au jour a été estimé à la somme déjà rondelette de 29 000 euros, ce qui laisse imaginer l'ampleur d'un système bien plus large, puisqu'il apparaît évident que les cinq témoignages ne dévoilent qu'une partie du trafic de voix.

Dans la ville de Corbeil-Essonnes il s'agit là d'un secret de polichinelle, car chacun sait que Dassault sait se montrer « généreux ». L'intéressé est d'ailleurs si sûr de lui qu'il avoue benoîtement la distribution d'argent dans une vidéo, ce qui lui vaut pour la première fois des lourdes charges passibles de deux ans de prison.

En fait, ces pratiques ne sont qu'un des aspects de l'arrogance et du cynisme de ce grand patron, qui n'hésite pas à s'appuyer sur des voyous pour intimider l'opposition. Ainsi, juste avant le premier tour, le candidat Piriou s'était fait menacer de mort lors d'une séance du Conseil municipal par un soutien de Dassault. Les candidats des quartiers populaires figurant sur les listes de gauche avaient eux aussi subi de fortes pressions tout au long de la campagne, certains préférant au final jeter l'éponge pour ne pas avoir à se heurter aux appuis de l'industriel.

La mairie est également dans le collimateur de la justice, qui enquête sur une entreprise de gardiennage à qui avait été confiée l'attribution des marchés municipaux. Cette entreprise est soupçonnée de conquérir ses marchés en incendiant des sites qu'elle gardienne ensuite... pour qu'ils ne brûlent plus.

La justice ira-t-elle jusqu'à condamner ce grand bourgeois qu'est Dassault, dont le pouvoir s'étend jusqu'aux sommets de l'État ? En 2007, la presse avait fait état des problèmes rencontrés par le préfet pour faire appliquer les demandes de la Chambre régionale des comptes sur les irrégularités dans le budget municipal. Il s'était retrouvé muté et remplacé par un haut fonctionnaire arrivé tout droit du cabinet de Sarkozy.

Rien ne dit donc que le Conseil d'État validera cette fois la recommandation des juges, mais pour l'heure la décision a réjoui ceux qui, à Corbeil, en ont assez des méthodes Dassault.

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