Brésil : Un luxe provocant, même pour la justice03/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2122.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : Un luxe provocant, même pour la justice

Eliana Tranchesi ne sera pas restée longtemps dans les prisons brésiliennes, où des milliers de condamnés bien moins favorisés moisissent et meurent dans des conditions indignes. Cette riche patronne du supermarché du luxe Daslu a été condamnée le 26 mars à 94 ans et demi de prison pour contrebande et crimes fiscaux, et aussitôt internée à Sao Paulo. Mais le lendemain même, un juge acceptait sa libération provisoire pour raison de santé.

Son incarcération et sa libération témoignent toutes deux des inégalités sociales dans le pays. Car si sa fortune et ses relations n'ont sans doute pas été pour rien dans sa sortie de prison, sa brève incarcération pouvait apparaître comme une expiation pour le luxe insolent qu'affichent les membres de la classe dominante brésilienne.

Ne pas aller chez les commerçants et fournisseurs, mais faire que ce soit eux qui viennent vous proposer leurs marchandises et leurs services à domicile : c'était le privilège des intendants de la haute noblesse sous l'Ancien Régime. Il avait pour inconvénient un défilé incessant de fournisseurs en tout genre, des marchandages infinis et une perte de temps. Le magasin Daslu, cet immense supermarché du luxe, est exclusivement réservé aux riches clients qui ont l'avantage d'être comme chez eux, de rester entre eux, en ayant accès au plus grand nombre de marques, de produits et de services de la plus haute qualité.

Le bâtiment de ce magasin est un bunker, inaccessible à pied. On y arrive en voiture, après de multiples contrôles, ou en hélicoptère. Par rapport à la ville qui l'entoure, Daslu pratique un isolement total. De la même façon, le personnel se divise en accompagnatrices stylées et blanches, et en soubrettes plus ou moins métissées qui ont pour consigne de ne jamais ouvrir la bouche. Il s'agit, selon la patronne, « d'offrir tous les rêves en un seul lieu » : vêtements de grandes marques, nourriture raffinée, voitures haut de gamme, voyages, croisières, etc.

Mais le magasin offre aussi à ses propriétaires une haute rentabilité, renforcée par un certain nombre de pratiques, illégales mais banales dans la bourgeoisie brésilienne : importations frauduleuses ou sous-évaluées, fraude fiscale.

Cela fait au moins quatre ans que la patronne de Daslu était dans le collimateur de la justice et elle avait déjà été arrêtée brièvement en juillet 2005. Ses fraudes fiscales se monteraient à un demi-milliard de dollars. Dans un pays où la misère et le chômage frappent de plus en plus durement les classes populaires, la brève incarcération d'Eliana Marchesi a été présentée comme une mesure démagogique destinée à prouver que les riches n'étaient pas totalement au-dessus des lois. Les vingt-quatre heures pendant lesquelles la patronne de Daslu est restée en prison donnent la limite de cette démagogie.

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