Italie - Rondes contre les immigrés, « droit à la vie » : Les campagnes de diversion du gouvernement Berlusconi04/03/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/03/une2118.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie - Rondes contre les immigrés, « droit à la vie » : Les campagnes de diversion du gouvernement Berlusconi

Des rondes de volontaires pour assurer la sécurité dans les villes : telle est la dernière décision du gouvernement Berlusconi. Elle fait suite à une série de campagnes sécuritaires des partis de droite et d'extrême droite, relayées largement par la presse et auxquelles le Parti Démocrate, censé représenter la gauche, n'a pas manqué de céder. Depuis des mois, des cas d'agressions et de viols attribués à des immigrés, en particulier roumains, ont été montés en épingle pour convaincre l'opinion que, décidément, l'immigration ferait peser un terrible danger sur la sécurité des Italiens.

Résultat de ces surenchères, dans lesquelles la nationalité des personnes impliquées dans les faits divers est systématiquement soulignée par la presse - sauf quand il s'agit d'Italiens, et pourtant eux aussi sont bien évidemment impliqués dans un certain nombre de cas -, un certain nombre d'agressions ont eu lieu prenant pour cible des immigrés : de toute évidence, des bandes de quartier, parfois sur l'initiative de militants de droite ou d'extrême droite, se sentent autorisées par le climat général à agresser les immigrés en les traitant de voleurs ou d'assassins. De son côté la police, sur ordre des municipalités, disperse sans ménagement les campements sommaires où certains vivent ici et là, par exemple dans la périphérie de Rome, y compris d'ailleurs des camps de Tziganes... qui ont la nationalité italienne.

C'est dans ce climat que le gouvernement Berlusconi a fini par sortir cette dernière proposition : des « rondes de volontaires » seraient organisées pour traquer les délinquants, et en particulier ceux qu'on pourrait suspecter de vouloir commettre une agression ou un viol le soir dans quelque quartier isolé. Et pour répondre aux objections sur les dérives possibles, il a précisé immédiatement que ces rondes seraient encadrées par « des personnes expérimentées », c'est-à-dire... des policiers, carabiniers ou militaires à la retraite.

Aussitôt, dans de nombreuses villes, on a vu des militants de droite et extrême droite - de la Ligue du Nord à l'Alliance Nationale, voire à la « Flamme Tricolore » qui se réclame ouvertement du fascisme - déclarer qu'ils prenaient l'initiative d'organiser ces rondes de citoyens et se chargeaient de trouver les volontaires.

Des « rondes de citoyens » ? En effet, cela pourrait servir à bien des choses. Par exemple, alors que l'Italie enregistre un record concernant les morts par accident du travail dans les entreprises, dans l'indifférence générale du monde patronal, pourquoi ne pas organiser des « rondes de travailleurs » qui iraient contrôler les conditions de sécurité dans les usines ? Si de telles rondes avaient existé, peut-être auraient-elles empêché que sept travailleurs meurent brûlés vifs en septembre 2007 à l'usine Thyssenkrupp de Turin à cause d'une négligence patronale évidente, une affaire qui fait l'objet d'un procès ces jours-ci. Mais ce n'est évidemment pas de cela qu'il s'agit.

Si les « rondes » envisagées par le gouvernement voient vraiment le jour, on imagine facilement que l'immigré qui le soir rencontrera sur son chemin ces ex-policiers et militants bien racistes ne sera guère en sécurité. On n'est même pas vraiment sûr non plus d'ailleurs que les femmes isolées le seront plus... Mais cette promesse de « rondes de citoyens » vient à point nommé pour le gouvernement et les partis qui le soutiennent, non seulement pour entretenir les campagnes anti-immigrés qui sont leur fonds de commerce électoral, mais pour faire diversion.

Ainsi, au moment où la crise frappe durement l'Italie, où de très nombreuses entreprises ferment, licencient ou recourent au chômage partiel, où la pauvreté s'accroît de façon dramatique, on ne parle plus que de l'insécurité qui augmenterait gravement dans le pays - ce que démentent les statistiques.

Les campagnes contre l'immigration, ou pour un soi-disant « droit à la vie » qu'on ne les voit défendre que dans un tel cas, semblent réussir pour l'instant au gouvernement et à ses soutiens, si l'on en juge par la défaite du Parti Démocrate aux élections régionales de Sardaigne, qui a amené son secrétaire national Walter Veltroni à donner sa démission. Il est vrai que ce parti et ses dirigeants n'ont été capables que d'emboîter le pas aux prises de position de la droite et à ses attaques antiouvrières, faisant apparaître Veltroni comme une simple réplique, bien incolore et inodore, de Berlusconi lui-même.

Celui-ci ne pourra cependant pas éternellement se contenter de ces campagnes, accompagnées de ses habituelles réflexions de mauvais goût, pour répondre aux préoccupations croissantes de la population, et en premier lieu des travailleurs, face à la montée de la crise.

André FRYS

« Droit à la vie »

La campagne anti-immigrés s'ajoute à l'autre opération de diversion, qui a vu pendant des jours l'Église catholique se mobiliser, au nom du « droit à la vie », pour empêcher que l'on cesse d'alimenter Eluana Englaro, une jeune femme plongée depuis dix-sept ans dans un coma irréversible sans aucun espoir d'en sortir. Tout ce que le pays compte de calotins et de politiciens à leur écoute a alors crié au scandale et mobilisé l'opinion pour tenter d'empêcher - vainement - que l'on mette fin à cette aberration.

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