Guadeloupe : Jégo est arrivé... sans se presser, mais la lutte continue !04/02/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/02/une2114.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guadeloupe : Jégo est arrivé... sans se presser, mais la lutte continue !

Le quotidien de Guadeloupe France-Antilles a titré sa parution du mardi 3 février : « Jégo réamorce les pompes ». Ce qui depuis des mois est réclamé par les petits patrons des station-service, à savoir la limitation des créations

de nouvelles pompes automatiques, a brusquement été possible.

Pour tenter d'affaiblir le mouvement populaire autour de Lyannaj kont pwofitasyon (KLP - Alliance contre l'exploitation outrancière) le secrétaire d'État à l'Outre-mer Jégo, venu en Guadeloupe, a donc sacrifié les intérêts du groupe de grands patrons qui veulent essaimer des pompes automatiques sur toute la Guadeloupe au nom de la libre concurrence. Il l'a fait pour affaiblir le mouvement gréviste conduit par LKP, parce qu'avec l'absence de carburants même les gens hostiles au mouvement et les non-grévistes se trouvaient immobilisés et de fait rien ne pouvait fonctionner.

Un calcul pour affaiblir la grève

Par exemple, toutes les écoles, lycées et l'université sont fermés depuis le début du mouvement sur décision du Rectorat, à la fois parce qu'il n'y avait pas de transport scolaire et que les professeurs eux-mêmes connaissaient des difficultés de transport. Le calcul de Jégo est de remettre tout le monde en circulation et de voir venir, de tabler sur un affaiblissement des grévistes, de compter sur les travailleurs les moins conscients, les moins tenaces, pour isoler le mouvement dirigé par LKP.

D'ailleurs c'est très significatif, depuis son arrivée il a rencontré toutes sortes de gens, des petits aux grands patrons. Il a même organisé une rencontre avec quelques intellectuels connus, dits de la société civile : un écrivain connu, un professeur de philosophie connu, deux professeurs d'université de la mouvance indépendantiste, certains d'entre eux ont participé à un déjeuner-débat. Mais LKP, ayant eu vent de la chose, a fait savoir à ces personnes qu'il n'était pas question qu'elles s'engagent au nom du mouvement, ni qu'elles s'engagent à quoi que ce soit. Elles ont donc décidé de faire prudemment une déclaration pour dire qu'ils attendraient la fin du mouvement pour discuter avec le ministre de l'avenir de la Guadeloupe et d'autres affaires.

Le ministre affirme que, de son côté, il a pris des dispositions pour que les patrons disposent de 130 euros par salarié, sous forme d'exonérations diverses, mais que malgré ces pressions le patronat ne veut rien céder. Les assemblées de patrons pleurnichant sur leurs entreprises bloquées, dénonçant les atteintes à la liberté du travail se sont multipliées. Mais certains ont montré le vrai visage du patronat, avec des déclarations extrêmement agressives et quasi racistes envers les grévistes.

Domota (UGTG) et Nomertin (CGTG), représentants du LKP, ont réaffirmé sur les médias que la grève des salariés continuait dans les stations-service. Ils ont dénoncé le fait que le patronat de Guadeloupe faisait traîner les négociations avec Jégo et ne faisait aucune proposition à LKP, espérant que le mouvement de grève se fatiguera et que les salariés grévistes seront isolés.

Les deux dirigeants syndicaux ont donc appelé de nouveau à renforcer les piquets de grève et à créer des collectifs LKP partout où c'était possible. Des meetings ont été lancés dans les communes. C'est ainsi que lundi 2 au soir à Capesterre - où Jean-Marie Normentin a été ouvrier dans les bananeraies de cette région - un meeting, dont la préparation a commencé à 15 heures, rassemblait sur la place de la Mairie, à 18 heures, près de 600 personnes.

La grève doit continuer

Les dirigeants de la grève appellent les travailleurs à tenir bon et à aller jusqu'au bout des possibilités du mouvement qui, malgré le travail de sape de Jégo, a encore beaucoup de force. Nomertin a expliqué dans une réunion : « Lorsque nous sommes en grève dans la banane ou dans les hôpitaux ou dans les municipalités, nous avons mené nos grèves alors que tout le monde circulait, bénéficiait d'essence, et cela ne nous a pas empêchés de gagner. »

On peut dire que la majorité des organisations qui constituent LKP continuent à appeler à la grève et à se battre. Tout en sachant qu'après quinze jours de grève, tout repose maintenant sur la ténacité des travailleurs. Un grand meeting était appelé le mardi 3 février, devant le palais de la Mutualité. Dans les jours qui viennent, on verra quel sera la force du mouvement gréviste et du soutien populaire autour de lui.

LKP maintient ses exigences sur dix-huit points de revendications immédiats, à l'intérieur d'un cahier de revendications plus important. Dans un dernier tract du 2 février, il réclame l'augmentation des 200 euros, la baisse immédiate du prix des carburants, la baisse du prix de l'eau, de l'électricité, des transports et des produits de première nécessité... Sur le gel des loyers, Jégo a affirmé publiquement qu'il était pour. LKP réclame aussi la suppression des taxes sur les engrais, les désherbants, les semences, les aliments pour le bétail, le gazole. Ainsi que, pour aider les pêcheurs, des suppressions de taxes sur le matériel et les intrants, et la baisse du coût de ces intrants, etc.

Des premiers acquis

La grève générale et le mouvement populaire qu'elle a suscité ont déjà eu des effets positifs dans différents domaines. Mis à part le fait assez comique de voir Jégo dire qu'il était d'accord avec LKP, « Il y a trop de "pwofitasyon en Guadeloupe" » !

Ainsi, une négociation qui semblait impossible à Pôle-Emploi (fusion Assedic-ANPE) s'est engagée depuis le début du mouvement. Aujourd'hui, les travailleurs de Pôle-Emploi estiment avoir fait céder la direction sur un certain nombre de points qui semblaient jusqu'alors impossibles à satisfaire.

Les syndicats enseignants, depuis le début de la grève générale, sont en négociation permanente avec le recteur. Ils réclament, entre autres, la titularisation des emplois précaires, l'embauche de 19 professeurs d'école pour 19 classes qui sont sans professeur depuis le début de l'année. Du coup, le recteur est parti à Paris pour en discuter au ministère.

On apprend aussi des exemples d'entreprises où des travailleurs ont obtenu des passages de CDD à embauche et même de travail temporaire à horaire plein, sous la seule menace de faire venir dans l'entreprise une délégation importante de LKP.

Pour l'instant, on n'a pas encore un bilan complet de tous ces cas, mais il est certain que le climat créé par la mobilisation a, dans une certaine mesure, modifié le rapport des forces entre patrons et salariés. Le gros point qu'il reste à arracher, c'est l'augmentation des salaires, qui finalement ne représentera que 70 euros sortis de la poche des patrons puisque l'État leur a déjà donné 130 euros ! Mais ce n'est pas encore gagné, car le patronat de Guadeloupe, composé de gros capitalistes Békés (héritiers directs des ex-esclavagistes) et d'un moyen et petit patronat noir qui pousse dans leur ombre, est vorace, tenace et va-t-en-guerre.

La lutte des salariés de Guadeloupe continue. Et comme le disait Jean-Marie Nomertin de la CGTG : « Nous avons déjà gagné quelque chose d'essentiel dans la présente lutte, c'est la confiance en nous-mêmes. Nous avons vu que dans nos rangs existent des hommes, des femmes et des jeunes totalement prêts à se battre pour que les choses changent en Guadeloupe.

Nous ne pourrons pas changer nos conditions d'existence, matérielles et morales, en un seul combat. Mais nous nous battrons jusqu'au bout dans le mouvement actuel pour arracher le maximum de revendications et, quelle que soit l'issue de la lutte actuelle, nous disons déjà à nos adversaires que le mouvement reprendra, et ce sera avec plus de force, plus de conscience, plus de militants et donc plus de capacité d'organisation. Alors nous exigerons encore plus que cette fois, pour parvenir à de vrais changements dans notre vie. »

Alors que se poursuit le mouvement des travailleurs de Guadeloupe, le 5 février les travailleurs de Martinique devaient s'engager eux aussi dans une grève générale, en mettant en avant la revendication de salaire de 300 euros pour tous. De nombreux travailleurs souhaitent que cette grève soit reconductible.

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