Grande-Bretagne - Grève contre l'emploi de travailleurs étrangers : Les leaders syndicaux détournent le mécontentement04/02/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/02/une2114.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne - Grève contre l'emploi de travailleurs étrangers : Les leaders syndicaux détournent le mécontentement

Fin janvier, une grève doublée de manifestations a éclaté sur vingt sites situés aux quatre coins du territoire britannique, Irlande du Nord comprise, englobant plus de 15 000 ouvriers qualifiés, employés à la tâche au gré des besoins des entreprises sous-traitantes sur des chantiers de construction, de rénovation ou de grosse maintenance - centrales électriques, raffineries, unités de la chimie et sidérurgie lourde, etc.

Depuis plus d'un an que les emplois valsent du fait de la crise, c'est la première fois que se produit une telle mobilisation contre la montée du chômage. Et cela rend d'autant plus inquiétant le fait que ses instigateurs, les leaders des syndicats Unite et GMB, aient fait le choix de le placer sur le terrain du chauvinisme, en reprenant à leur compte un slogan lancé il y a quelques mois par le Premier ministre Gordon Brown : « Les emplois britanniques aux travailleurs britanniques » !

Cela fait trois mois que Unite et GMB mènent une campagne partout où ces travailleurs sont concentrés. Sous prétexte de lutter contre le chômage, ils invitent les ouvriers à se mobiliser pour imposer aux entreprises sous-traitantes d'embaucher en priorité des ouvriers anglais, au lieu de faire venir des travailleurs du continent.

Le 28 janvier, cette campagne démagogique a abouti à ce que 800 ouvriers du chantier d'une unité de désulfurisation de la raffinerie Total de Lindsey, dans le nord de l'Angleterre, se mettent en grève contre la présence d'une centaine d'ouvriers italiens. De là, le mouvement a fait tache d'huile et, en moins de 48 heures, une vingtaine de sites s'y sont joints par solidarité, bien qu'une grande partie ne compte aucun ouvrier étranger.

Cette politique scandaleuse des syndicats ne peut évidemment que faire le jeu du patronat, en dressant les travailleurs les uns contre les autres et en empoisonnant l'atmosphère dans leurs rangs, au lieu de les unir pour imposer un emploi et les mêmes conditions pour tous. Elle fait aussi le jeu de la racaille d'extrême droite, qui ne se prive pas de reprendre à son compte les slogans des syndicats devant les piquets de grève.

Cette politique réactionnaire est malheureusement conforme à la politique des appareils syndicaux depuis le début de la crise. Ils ont surtout brillé par leur silence, chaque fois que des travailleurs menacés de licenciements massifs auraient eu besoin d'une perspective de lutte pour riposter aux coups du patronat (y compris les collègues des ouvriers aujourd'hui en grève, d'ailleurs). En revanche, on les a beaucoup vus mendier, au nom du patronat, des subventions auprès du gouvernement pour « sauver l'industrie britannique ». En dévoyant la colère des sous-traitants de la construction sur le terrain du chauvinisme, les leaders syndicaux ne font que poursuivre la même politique, en se donnant l'air de faire quelque chose, sans risquer de compromettre les intérêts du capital.

Quelles que soient les limites de ce mouvement, Brown et ses ministres se sont très vite succédé à la télévision pour tenter de faire reprendre les grévistes à coups de discours rassurants, dans une volonté évidente de ne pas envenimer la situation.

Le patronat n'a sans doute rien à craindre de ce mouvement. Cependant, pour la première fois depuis très longtemps, un mouvement social englobe des travailleurs d'entreprises et industries différentes, et il s'est étendu comme une traînée de poudre dans le pays en dépit des lois antigrèves, que le gouvernement n'a d'ailleurs pas parlé de faire jouer. Cela constitue en soi un précédent dont d'autres sections de la classe ouvrière pourraient s'inspirer. Et cela, Brown et le patronat ne peuvent que le redouter.

Il reste évidemment qu'un tel mouvement, pour être à même de servir les intérêts du monde du travail, devra s'en prendre à ses véritables ennemis, le patronat et son gouvernement, et unir les rangs des travailleurs dans la lutte, au lieu de les diviser comme le font les leaders syndicaux dans le mouvement actuel.

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