Obama, intronisé président : Le changement dans la continuité21/01/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/01/une2112.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Obama, intronisé président : Le changement dans la continuité

Mardi 20 janvier, à 18 heures (heure française), Barack Hussein Obama est devenu le 44e président des États-Unis et aussi le premier Noir à la Maison-Blanche. Le nouveau président et son équipe n'ont pas été avares de symboles. Il a refait le parcours en train d'Abraham Lincoln qui avait dû promettre l'abolition de l'esclavage des Noirs américains pour gagner la guerre de Sécession. Des messes dites dans des églises noires ont associé dans une même ferveur Jésus, Martin Luther King et Obama, censé réaliser le " rêve " du pasteur assassiné. Le couple qu'il forme avec la nouvelle " first lady " est comparé à celui des Kennedy. Du fait de la gravité de la crise capitaliste actuelle, il est également associé à Roosevelt qui gouverna dans l'après-krach de 1929. Enfin, après avoir prêté serment, il a refait à pied le chemin emprunté, lors de son investiture, par Thomas Jefferson, un des pères fondateurs des États-Unis d'Amérique.

Des millions d'Américains attendent évidemment d'Obama un changement après les catastrophes successives qu'ils ont vécues au cours de la présidence de Bush. Les États-Unis se sont enlisés dans deux guerres tandis que leur gouvernement se montrait de plus en plus incapable de répondre aux problèmes élémentaires de la population. Et pour finir, si l'opinion sait désormais que le régime du dictateur Saddam Hussein ne possédait pas d'armes de destruction massive, elle découvre la destruction massive de l'économie par les capitalistes eux-mêmes, avec une crise économique qui frappe des millions de personnes qui ont perdu leur emploi, leur retraite ou leur maison.

Comme l'expliquait, vendredi 16, un sondage du quotidien USA today, " les Américains n'ont jamais été aussi pessimistes, depuis des dizaines d'années, sur la situation ", et ils expriment des " attentes stratosphériques " (sic) dans la capacité du nouveau président à trouver une solution à ces problèmes.

Un changement de président...

Celui-ci, dans ses discours de campagne, et encore dans son discours d'investiture, a évoqué les problèmes qui touchent les classes populaires, éducation, santé, logement. Il a parlé aussi, et même beaucoup, de changement. Mais il est resté bien vague sur ce que serait ce changement, sauf pour préciser que ce sera possible, mais que ce sera long, qu'il faudra faire des efforts, etc. Et d'insister pour dire qu'il entendait que tous se mettent à la tâche, en oubliant leurs revendications particulières, pour relancer l'économie, ce qu'il appelle " choisir l'union d'action et non le conflit et la discorde ".

La seule chose que l'on sache précisément de ses projets est que son équipe prépare un nouveau plan de relance de 800 milliards, qui fera suite au précédent plan, le plan Paulson. Il est censé créer ou préserver trois à quatre millions d'emplois, via des grands travaux pour renouveler les ponts et les routes, mais aussi pour des réalisations environnementales. Mais 40 % de la somme serviront à financer des baisses d'impôt pour les particuliers, mais surtout pour les entreprises, et 60 % seraient consacrés à négocier des contrats avec des entreprises privées, comme l'État a l'habitude de le faire, à grand renfort de corruption et de gaspillage. Il n'est pas difficile de comprendre que, comme le plan Paulson, ce nouveau plan de relance finira pour l'essentiel sur les comptes en banque des grandes entreprises américaines, sans remettre en question le droit des grands capitalistes à spéculer et à faire ce qu'ils veulent de leur argent quitte à mettre l'économie sens dessus dessous.

Quant à la politique internationale des États-Unis, chacun a déjà pu observer le silence d'Obama face à la guerre menée par Israël contre le peuple palestinien, qui n'augure guère d'une rupture avec la politique de Bush et son soutien à la politique la plus jusqu'auboutiste des dirigeants israéliens.

Obama a bien promis d'en finir avec la prison et la torture pratiquée dans la base de Guantanamo, où les instructions juridiques en cours contre les détenus devraient être suspendues. Mais pour le reste, s'il n'entend pas accélérer le retrait des troupes américaines d'Irak, il est même question maintenant de maintenir une " force résiduelle ", chiffrée par certains à 55 000 soldats. Ce n'est pas pour rien qu'il a conservé dans son équipe le secrétaire de la Défense de Bush, Robert Gates. Pire, Obama envisage d'engager 30 000 soldats de plus en Afghanistan.

... pour sortir l'économie capitaliste de l'ornière

Avant même qu'il n'ait commencé, la presse explique déjà qu'Obama ne pourra pas tout faire, et qu'il sera surtout le garant des intérêts américains. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Barack Obama a été porté à la tête de l'État par une élection, où tout, la sélection du candidat, l'argent dont il dispose pour sa campagne, l'attention que lui portent les médias, dépendent non pas du choix des électeurs, mais d'abord de celui des grands groupes capitalistes.

Les élus de la présidentielle américaine sont issus des machines à élire un président que sont les Partis démocrate et républicain, bien connus et alimentés financièrement par ces mêmes groupes capitalistes. Quand les électeurs sont enfin amenés à donner leur opinion, il y a déjà un moment que les véritables dirigeants du système ont choisi les candidats qu'ils jugent acceptables à la tête de l'État.

Et quoi de mieux au fond que le choix d'un métis dans un pays où métis et Noirs n'ont jamais été beaucoup pris en compte, pour donner l'illusion de ce changement que beaucoup attendent ? Et pour les classes possédantes, il est indispensable de donner aujourd'hui cette illusion que les choses vont changer.

S'il est impossible, à partir de ce qu'il a pu évoquer dans ses discours, de prédire ce qu'Obama réalisera, en revanche on peut deviner que les désillusions des classes populaires seront à la mesure de leurs attentes. Car toute la mythologie de l'histoire américaine déployée autour d'Obama n'est là que pour masquer qu'il sera là pour défendre les intérêts des classes possédantes et pour sauver le système capitaliste de la faillite. Il ne le fera pas en faisant payer les capitalistes, mais en faisant payer les classes populaires.

Pour que le changement ne reste pas un mot creux, les travailleurs américains devraient plutôt s'inspirer de ce que 260 travailleurs d'un fabricant de portes et de fenêtres de Chicago, Republic Windows & Doors, ont fait en décembre dernier. Ayant appris que leur entreprise allait cesser toute activité parce que Bank of America, qui venait d'empocher des milliards d'aides gouvernementales, entendait suspendre tout crédit à cette entreprise, ils ont occupé leur usine ! Ce recours aux formes de lutte du mouvement ouvrier des années trente a frappé au point qu'au bout de cinq jours d'occupation, Bank of America est revenue sur sa décision et a lâché l'argent nécessaire au paiement des arriérés de salaires et de cotisations sociales.

Pour les travailleurs américains, le changement ne viendra pas des bonnes paroles d'Obama. Il ne pourra venir que de leur mobilisation à l'échelle du pays, de leur détermination à faire payer aux capitalistes les conséquences de la crise.

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