Rwanda : Des militaires condamnés... mais leurs complices français courent toujours24/12/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/12/une2108.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Rwanda : Des militaires condamnés... mais leurs complices français courent toujours

Le colonel Théoneste Bagosora, présenté comme le cerveau du massacre des Tutsis par les Hutus en 1994, au Rwanda, vient d'être condamné à perpétuité par le tribunal pénal international pour le Rwanda pour " génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité ". Avec lui, deux autres officiers ont été condamnés pour leur participation à ces tueries de masses.

Ce tribunal a été mis en place par l'ONU en 1997, à Arusha en Tanzanie, afin de juger les responsables des massacres de Tutsis commis au Rwanda entre avril et juin 1994. Lors du procès, il n'a cependant jamais été question de juger le rôle des militaires et des hommes politiques français, au pouvoir au moment des faits, qui ont armé et soutenu les responsables des massacres.

À l'époque, Théoneste Bagosora était devenu le chef militaire des forces armées rwandaises, après l'assassinat du président rwandais Juvenal Habyarimana dont l'avion avait été abattu le 6 avril 1994. Cet événement avait été l'élément déclencheur des massacres de masse, planifiés depuis de long mois, à l'échelle du pays. Bagosora fut l'un des principaux artisans de ces tueries qui firent 800 000 morts parmi les Tutsis et les Hutus modérés, exterminés par les miliciens extrémistes Hutus, aidés par les forces armées rwandaises.

Un tueur formé à l'École de guerre française

Qu'un assassin de cette envergure soit enfin condamné ne peut qu'être accueilli avec soulagement par les survivants qui ont échappé aux tueries perpétrées au Rwanda ! Car Bagosora a été arrêté au Cameroun en 1996, et depuis il attendait d'être jugé. Ancien élève de l'École de guerre en France, il a été formé par les militaires français, au plus haut niveau de la hiérarchie. Fort de l'appui de ses " frères d'armes ", Bagosora a pu s'enfuir du Rwanda après la défaite du camp génocidaire, grâce aux militaires français de l'opération Turquoise, qui en juin 1994 l'ont mis à l'abri au Zaïre voisin, l'actuel Congo-Kinshasa. Il n'a pas été le seul des massacreurs à avoir bénéficié de la protection française à l'époque, comme le souligne un rapport de l'ONG Human Rights Watch (HRW), daté de 1995.

Commentant ce verdict, Paul Quilès, l'ancien président de la Mission d'information parlementaire sur le Rwanda pilotée par le gouvernement français, a expliqué sur les ondes de France Inter, vendredi 19 décembre, que la France avait certes commis des " erreurs " au Rwanda en 1994, mais que l'on ne pouvait à aucun moment la taxer de " complicité " dans le génocide des Tutsis. De Quilès à Balladur (qui soutient que " la France n'a pas à rougir de son action au Rwanda "), en passant par Villepin (qui parle en susbstance de double génocide, pour mieux brouiller les responsabilités de la France), tous ces hommes politiques, bons serviteurs des intérêts de la bourgeoisie française, nient avec cynisme la réalité des faits. Rappelons qu'à l'époque François Mitterrand était président de la République et cohabitait avec Edouard Balladur, Premier ministre de droite. De gauche ou de droite, tous étaient solidaires de la même politique dans ce qu'elle a de plus odieux et indéfendable.

Mais les écrans de fumée pour masquer la réalité et les mensonges d'État ne changent rien à l'affaire : le gouvernement français a soutenu le régime responsable des massacres.

Selon la Commission d'enquête citoyenne, " les troupes spéciales françaises (...) ont formé de 1991 à 1994 dans plusieurs camps d'entraînement des milliers d'hommes qui, pour beaucoup, allaient devenir les encadreurs du génocide ; la France admet avoir formé les commandos de la Garde présidentielle et les troupes d'élite de l'armée rwandaise ".

De nombreux témoignages de survivants, de multiples enquêtes d'ONG ont aujourd'hui, quinze ans après les faits, démontré de façon incontestable l'implication du gouvernement français dans le soutien à la dictature rwandaise : militaire (encadrement, entraînement des soldats rwandais), politique (d'abord la dictature d'Habyarimana puis, après sa mort, le gouvernement intérimaire rwandais GIR qui a déclenché les tueries) et financier (livraisons d'armes y compris pendant les massacres par l'intermédiaire des banques françaises).

Le gouvernement français a donc bien le sang des Tutsis du Rwanda sur les mains. Outre les exécuteurs des basses oeuvres qui viennent d'être jugés par le TPIR à Arusha, il manque toujours sur les bancs des accusés les principaux complices des tueurs : l'état-major militaire et les hommes politiques français qui étaient au pouvoir à l'époque.

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